L'Allemagne a volé le slogan de François Mitterrand en 1981 : la force tranquille, c'est elle. Pendant la crise, sa production avait reculé deux fois plus qu'en France. Mais l'an dernier, elle a progressé deux fois plus vite. Et en ce début 2011, elle semble rester sur la même trajectoire. Ses entreprises investissent massivement, et ses consommateurs retrouvent enfin de l'appétit. Ce succès éclatant plonge nombre de décideurs et d'observateurs français dans une neurasthénie familière. Comme dans les années 1980, pour ne pas remonter plus loin dans le temps, ils parent nos voisins de toutes les vertus. Ils reviennent au modèle allemand après nous avoir vanté successivement la rude douceur du système danois, le succès irlandais, le triomphe espagnol, l'efficacité américaine et l'inévitable exemple suédois.
L'Allemagne ne mérite pas cet excès d'honneur. Si tous les pays d'Europe avaient mené la même politique macro-économique qu'elle pendant la dernière décennie (compression des salaires et exportations acharnées), le continent tout entier aurait sombré dans un marasme profond. Au cours des années 2000, sa croissance a été deux fois moins forte qu'en France. Avant la crise financière de 2008 qui lui a remis la tête sous l'eau, son économie sortait à peine d'une terrible langueur. Ses ménages ont enfin réussi à dissoudre la gangue de dettes qui les enserraient depuis le krach immobilier consécutif à la réunification, ses entreprises ont elles aussi allégé un endettement trop lourd après l'éclatement de la bulle Internet qui a touché l'Allemagne bien plus que la France, et les taux d'intérêt imposés par la Banque centrale européenne étaient trop élevés pour le pays (et pas assez pour l'Irlande ou l'Espagne).
Mais s'il serait vain de vouloir importer le modèle allemand, ne serait-ce que parce les Français ne sont pas des Allemands, il serait précieux de tirer les leçons du formidable regain de compétitivité qui s'est produit outre-Rhin. Il y a d'abord eu un énorme effort de maîtrise des finances publiques. Les gouvernants de gauche puis de droite ont contenu les dépenses et allégé les cotisations versées par les entreprises en augmentant les impôts. Il y a ensuite la préservation du tissu industriel. Les PME allemandes grandissent, les grands groupes développent des stratégies d'internationalisation efficaces en maintenant des emplois au pays. Il y a enfin le dialogue social. Dirigeants d'entreprise et salariés ont choisi ensemble de faire passer l'emploi avant les salaires. Sur une décennie, le résultat est spectaculaire. Oui, nous avons des leçons à prendre en Allemagne.
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