Comment en vouloir à Luc Chatel ? Tous les ministres de l'Education nationale partagent la même coquetterie. A chaque rentrée, ils aiment annoncer des « nouveautés », comme si l'école, comme un élève turbulent, ne parvenait jamais à trouver son équilibre autrement que dans le mouvement permanent.
Traditionnellement, beaucoup d'innovations annoncées à grand fracas restent des engagements sur le tableau noir tout propre du ministère et ne deviennent jamais réalité. Celle qui domine toutes les autres dans cette édition 2010-2011 est pourtant prometteuse puisqu'en instituant un suivi permanent des élèves intégré aux heures de présence au lycée, elle s'efforce de privilégier l'introuvable égalité des chances. Un bon point, donc, pour le ministre. Il y en a d'autres qui pourraient récompenser de bonnes intentions, au moins celles énoncées sur la copie. Revalorisation des jeunes enseignants, révision du système des remplacements ou encore autonomie des établissements sont autant de principes prêchés depuis longtemps par l'ensemble de la communauté éducative. Il serait injuste de noter sévèrement ces têtes de chapitres au prétexte qu'elles restent conditionnées aux paragraphes très concrets de la pratique qui, eux, ne sont pas encore écrits.
Le problème du ministre, c'est le calcul. L'éternelle question des soustractions de postes -une opération qu'une large majorité de l'opinion ne comprend pas-, l'équation des moyens à laquelle elle aboutit, et les sempiternelles histoires de redistribution de l'argent injecté dans la machine, mettent de la confusion dans ce bulletin de septembre. Avec l'interrogation politique « Est-il possible de faire mieux avec moins ? », on bascule cette fois de la technologie à la philosophie, puis de la philosophie à la poésie quand on finit par éluder le réel pour fleurir les impasses.
Le manque de tuteurs, par exemple, est enveloppé d'un flou hamiltonien qui peut se transformer en un périlleux brouillard pour les jeunes stagiaires parachutés devant des classes sans avoir eu aucune formation spécifique pour y faire face. Comment s'étonner que cette virile stratégie du saut dans le vide -il (elle) retombera bien sur ses pieds, non ?- ne provoque l'inquiétude quasi unanime de l'ensemble du corps éducatif quand elle concerne un point essentiel du programme ?
Même s'il est à petit coefficient, le préavis de grève du 6 prétend d'abord sanctionner l'approximation ministérielle. Dommage pour le pouvoir, quand on sait que dans cette matière délicate, elle ruine fatalement la cohérence du devoir.
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