TOUT EST DIT

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vendredi 3 septembre 2010

Zapatero sur le fil du rasoir

Affaibli par la tempête financière qui s'est abattue sur l'Espagne en mai dernier, dans la foulée de la crise grecque, José Luis Rodriguez Zapatero s'apprête à connaître des mois particulièrement difficiles. Avec au menu, le 29 septembre, l'appel à la première grève générale depuis son arrivée au pouvoir en 2004 suivi, aux environs du 20 octobre, par le vote d'un budget 2011 des plus austères, par un Parlement où il ne dispose pas de la majorité. Et fin novembre, par des élections régionales en Catalogne où le Parti socialiste qu'il dirige devrait perdre les commandes de la Generalitat. Sans parler de la publication de chiffres économiques qui ont recommencé à se détériorer après une courte embellie, et d'une nouvelle possible poussée de fièvre sur les marchés. Dernière de la « bande des trois » à maintenir la note de l'Espagne au niveau AAA, l'agence Moody's doit, en effet, décider d'une éventuelle dégradation d'ici à la fin de ce mois. Dans ces conditions, le président du gouvernement espagnol va avoir besoin de toute son habileté politique pour éviter une chute que certains lui prédisent pour la fin de l'année.

Traditionnellement invité à présenter sa politique sociale lors de la fête minière de Rodiezmo organisée par l'Union générale des travailleurs (CGT), syndicat où il est encarté, Zapatero a été déclaré, cette année, « persona non grata » à la manifestation qui doit se dérouler dimanche. La réduction des salaires des fonctionnaires décrétée de façon unilatérale à partir du 1 er juin, et surtout la réforme du marché du travail, adoptée le même mois, ont mis à mal la surprenante mansuétude affichée jusque-là par les organisations syndicales face à une crise qui a entraîné un doublement du taux de chômage, à plus de 20 % de la population active en trois ans. Désireux de ne pas couper définitivement les ponts avec l'UGT et Commissions ouvrières (CCOO), son frère jumeau, le gouvernement a dû mettre en sourdine pour l'instant son projet de repousser de 65 à 67 ans l'âge de départ à la retraite, et d'allonger de manière concomitante la période de cotisations…

L'heure est aussi aux arrangements pour le vote du budget 2011 qui s'inscrit en baisse de 7,7 % par rapport à celui de cette année. Ce qui ramène l'enveloppe au niveau de 2006. Alors que, principale force de l'opposition, le Parti populaire (PP), donné gagnant dans tous les sondages, rêve d'élections anticipées et que communistes et Verts se refusent à cautionner sa politique d'austérité, José Luis Rodriguez Zapatero n'a pas beaucoup d'options pour faire avaliser sa copie par le Parlement. Les voix des nationalistes catalans de Convergence et Unio (CiU), grand favori des élections de Catalogne, lui feront inévitablement défaut cette année. Il n'a donc d'autre solution que de décrocher le soutien du parti nationaliste basque (PNV). Qui promet de faire payer chèrement son appui, après s'être fait écarter du pouvoir en Euskadi par les socialistes avec l'appui tacite du PP à l'issue du scrutin régional de 2009.

Ce type de négociations qui concerne aussi de plus petites formations comme Coalition Canaries et Union du peuple navarrais (UPN), se solde traditionnellement par des investissements financiers supplémentaires dans les régions concernées. C'est une libéralité que les caisses de l'Etat ne peuvent pas se permettre dans la conjoncture actuelle. Pour calmer les marchés et les inquiétudes de Bruxelles, l'Espagne a été contrainte de durcir son plan de rigueur au printemps afin de parvenir à ramener le déficit de ses comptes publics de 11,2 % du produit intérieur brut l'an dernier à 9,3 % cette année et 6 % en 2011. Dans l'objectif d'atteindre le sacro-saint seuil de 3 % à l'issue de l'exercice suivant. L'heure n'est donc pas aux largesses.

Certes, l'économie espagnole est sortie de la récession au premier trimestre avec une légère croissance de son PIB de 0,1 %, mais la légère embellie, confirmée sur la période avril-juin (+ 0,2 %), ne devrait pas durer. Après quatre mois de timide décrue, le chômage est reparti de plus belle en août, mois habituellement créateur d'emplois. Si, cumulé à une baisse des dépenses de 2,4 %, le tour de vis fiscal a permis d'augmenter de 10,4 % les recettes de l'Etat et de ramener le déficit de ce dernier à 25,7 milliards d'euros (2,44 % du PIB) à fin juillet, il est en passe de provoquer une nouvelle rechute de la consommation. Le second semestre s'annonce donc très difficile.

Les experts interrogés par la Funcas, le cabinet d'études de la confédération des caisses d'épargne espagnoles, voient ainsi 2010 se solder par un nouveau recul du PIB de 0,6 % (contre - 3,4 % l'an dernier) quand le gouvernement table sur une baisse de seulement 0,3 %. Surtout, ils ne tablent que sur un timide rebond de 0,6 % l'an prochain, contre + 1,3 % pour les prévisions officielles, ce qui rendrait totalement caduque le plan de retour à l'équilibre des finances publiques.

« Le défi fiscal de l'Espagne est le plus important de tous les autres pays bénéficiant de la note AAA avec la Grande-Bretagne et les Etats-Unis qui disposent d'une plus grande vitalité économique », estimait récemment l'agence de notation Moody's. Qui pourrait bientôt suivre Standard & Poor's qui a ramené la note du pays à AA avec perspective négative, le 28 avril dernier, et Fitch qui a abaissé le curseur à AA+ avec perspective stable, un mois plus tard. Le calme revenu sur le marché des bons du Trésor espagnols après la flambée du printemps pourrait donc ne pas durer. L'Espagne et José Luis Rodriguez Zapatero n'en ont sans doute pas terminé avec les turbulences.


Gilles Sengès

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