TOUT EST DIT

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lundi 16 août 2010

États-Unis : l'argent, nerf de l'élection


Face à une économie stagnante et à un pessimisme croissant, la politique peine à trouver sa place aux USA. C'est l'argent qui remplace le discours du politique. Les Grecs parlaient d'oligarchie (un petit groupe gouverne), mais, dans une économie dominée par les gains spéculatifs, on devrait sans doute dire ploutocratie (les plus fortunés ont le pouvoir).

Pourtant, le parti démocrate a bien tenu ses promesses électorales. À la réforme du système d'assurance santé s'ajoutent celle de l'éducation et celle de la finance. Il est vrai que l'on n'a pas réussi à voter une loi antipollution et que la question de l'immigration a été évitée, mais cela tient surtout au refus de l'opposition. Barack Obama a pu tout de même se servir du pouvoir exécutif pour re-réglementer le capitalisme, laissé par son prédécesseur à l'état sauvage.

Néanmoins, le citoyen a un goût amer dans la bouche. Ces victoires sont le résultat de compromis qui ne satisfont ni la gauche ni la droite. Le gouvernement avance de façon pragmatique, mais délaisse cette autre fonction du politique qui est de donner au citoyen un sens pour le « bien vivre ensemble ».

Si la popularité du Président plane autour de 45-48 %, celle du Congrès est au ras des pâquerettes (20 %). La désapprobation touche les deux partis : 33 % se disent favorables aux démocrates, 44 % les désapprouvent ; les scores sont pires chez les républicains : 24 % de positifs et 46 % de négatifs. Les démocrates perdront certainement leurs imposantes majorités dans les deux Chambres aux élections du 2 novembre. Beaucoup de nouveaux élus se seront déclarés « indépendants », reflet du discrédit de la politique.

Et voici comment l'argent se met à dominer la scène politique. Selon un arrêt de la Cour suprême (1976), la garantie de la liberté de parole implique le droit de chacun de dépenser son propre argent comme il le veut pour se faire élire. Ainsi est né le phénomène actuel. Le premier milliardaire à s'y aventurer fut Ross Perot, candidat à la présidence en 1992, dont les 19 % des voix permirent à Bill Clinton de gagner avec seulement 43 % des voix. Plus récemment, Michael Bloomberg dépensait 109 millions de dollars, uniquement pour se faire réélire à la mairie de New York.

Aujourd'hui, lors des primaires en Californie, l'ancienne PDG de eBay dépensait 90 millions pour devenir la candidate républicaine au poste de gouverneur, alors que l'ancienne PDG de HP déboursait 42 millions pour gagner la sénatoriale. D'ici à novembre, dans le petit État du Connecticut, Linda McMahon promet de débourser 100 millions pour gagner un siège au Sénat. Le phénomène ne se limite pas aux femmes ni au parti républicain. En Floride, Jeff Greene a trouvé 5 millions quelques semaines avant la primaire démocrate.

Bien sûr, historiquement, les candidats autofinancés ne gagnent que 11 % de leurs élections, mais, en moyenne, un candidat ne dépense « que » 577 000 dollars, car peu de sièges sont vraiment compétitifs. Les chiffres dont on parle pour 2010 sont d'un autre ordre, qui devient malsain.

Cette ploutocratie qui se veut indépendante est seulement contre ; elle n'a pas de projet de société ; elle veut simplement gagner, à tout prix. Si sa montée est liée au climat actuel, cela voudrait dire que nous, Américains, l'aurions voulue autant qu'elle ne s'imposait.

(*) Professeur à Stony Brook University, New York, auteur d'Aux origines de la pensée politique américaine (Pluriel).

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