TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 16 août 2010

Le jungle rock de l'insécurité

Elvis, à sa façon, créait de l'insécurité. Son déhanché pelvien bousculait tous les conservatismes de la société américaine des années 50, et inspirait les anathèmes les plus délirants. Pour un peu, on aurait volontiers coffré cette graine de délinquant en blouson de cuir qui dévoyait la jeunesse. L'Amérique hésitait : devait-elle s'abandonner à la modernité ou céder aux diktats de la peur ?
Trente-trois ans après sa mort, on pleure toujours le King, aussi, de ce côté-ci de l'Atlantique, pendant que sur les ondes l'été français 2010 semble obsédé par la petite musique de la crainte distillée jour après jour par certains membres du gouvernement et de la majorité UMP. Une espèce de Jungle rock de l'insécurité où les motivations électoralistes ébouriffent des discours de plus en plus échevelés.
Voilà maintenant qu'il faudrait mettre à l'amende les maires coupables de laxisme dans la lutte contre les voyous ! C'est de la grosse caisse mais elle peine à couvrir cet arrangement trop facile qui consiste à rejeter sur les municipalités la responsabilité des échecs de la politique de sécurité menée depuis 2002.
En dépit de la loi de 2007 qui leur donne un rôle de prévention accru, les maires disposent d'un pouvoir extrêmement limité en matière de police judiciaire, et nul en matière de maintien de l'ordre ou de répression. L'immense majorité d'entre eux - droite et gauche confondues - dépense beaucoup d'énergie et de moyens pour assurer à leurs communes une atmosphère paisible. Les mettre en cause de façon aussi grossière et par pur intérêt stratégique - il faut dédouaner le pouvoir exécutif d'un bilan non satisfaisant - n'est ni très juste, ni très malin. C'est à la fois méconnaître leur travail de terrain opiniâtre, et le lien de confiance qui les unit à la population.
Christian Estrosi a simplement cru faire un bon coup. A en juger par les réactions qui ont répondu à son appel martial pour sanctionner les édiles qui, aux yeux de l'État, ne joueraient pas le jeu, son boomerang risque de lui revenir en pleine figure. « L'Union sacrée » des maires qu'il propose n'a aucun sens tant ces élus de proximité, pragmatiques par nécessité autant que par tempérament, ne l'ont pas attendu pour dépasser les frontières partisanes quand il doivent faire face à leurs responsabilités. Il suffit d'avoir assisté - ne serait ce qu'une seule fois - à un de leurs congrès pour comprendre que cette polémique artificielle n'a aucune chance de prospérer.

Olivier Picard

0 commentaires: