Le pire semble passé pour Moscou. Cet été, la capitale russe aura connu un épisode climatique sans précédent depuis le début des enregistrements météo il y a cent trente ans, avec des records de chaleur battus fin juillet, puis début août. Durant quelques jours, à cause de la fumée des incendies tout proches, le taux de monoxyde de carbone aura été cinq à six fois supérieur au maximum acceptable, selon les normes de santé publique. Des informations parcellaires et officieuses font état d’un fort taux de surmortalité. À l’échelle du pays, la canicule et la sécheresse ont favorisé des incendies de tourbières et de forêts qui ont ravagé au moins 800 000 hectares, l’équivalent de la région Alsace.
Ces événements mettent à rude épreuve le pouvoir. Certes, la politique de communication du Kremlin a montré le premier ministre Vladimir Poutine sur tous les fronts, y compris aux commandes d’un avion bombardier d’eau. Mais les Moscovites et les habitants des hameaux détruits à travers le territoire ont surtout constaté l’impuissance et l’impréparation de l’État.
Une catastrophe est toujours un test pour les sociétés et les dirigeants en place : sur leur aptitude à faire front, puis à en tirer des leçons. Or, l’opacité qui prévaut pour établir un premier bilan des victimes de la canicule montre que le Kremlin n’est pas prêt à regarder publiquement la réalité en face ni à renoncer à son contrôle sur les grands médias d’information. Sur Internet, nouvel espace de liberté, des témoignages se multiplient, tandis que des professionnels de la santé font état de consignes de silence. Cela n’est pas étonnant. L’objectif de Vladimir Poutine, depuis son arrivée au pouvoir en 2000, a été d’instaurer une « verticale du pouvoir » conduisant le gouvernement, l’administration, le Parlement, le parti majoritaire, les médias, les régions, les oligopoles économiques à être inféodés au Kremlin. Le pays ne compte plus d’opposition susceptible de dénoncer les manques ou les défauts du système, de relayer les attentes et les besoins de la population. Aucune coalition adverse n’est aujourd’hui susceptible d’arriver au pouvoir. Les leçons de l’été dépendront donc du bon jugement et du bon vouloir du Kremlin. Ce n’est pas suffisant.
Jean-Christophe Ploquin
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