Répondre à un boycottage par un autre boycottage, est-ce pertinent ? Un réseau de cinémas indépendants français – Utopia – le pense, qui a choisi de déprogrammer (au moins temporairement) un film israélien, une comédie sentimentale produite grâce à un fonds de l’État hébreu d’aide à la création cinématographique, afin de marquer son opposition à la politique israélienne et à l’arraisonnement meurtrier de bateaux turcs qui tentaient de briser le blocus de Gaza.
La stratégie choisie est curieuse, quand l’on connaît l’extrême susceptibilité des milieux culturels à l’égard de tout ce qui ressemblerait à une censure, à une atteinte à la liberté d’expression. Regrettable, surtout, si l’on veut bien se souvenir que le cinéma israélien a, durant ces dernières années, offert au public international des films de grande qualité, sans complaisance, très critiques, même, à l’égard de la politique du gouvernement ou des guerres menées par Tsahal, sur les blocages de la société ou les excès de certains courants religieux : on pense à Valse avec Bachir d’Ari Folman, à Lebanon de Samuel Maoz, aux Citronniers d’Eran Riklis, à La Visite de la fanfare d’Eran Kolirin, ou encore tout récemment à Ajami, de Scandar Copti… Et tant d’autres. Financés, pour une part, par des fonds d’État, ce qui, au passage, nous rappelle la richesse du débat culturel en Israël.
Les questions ou la colère demeurent, face au blocus de Gaza, sur les moyens choisis pour stopper l’aide humanitaire. Mais l’attitude d’Utopia n’est pas la bonne. Au contraire, le rôle des « observateurs étrangers », qui vivent loin de la zone de conflit et doivent se garder d’alimenter les haines, c’est de donner de l’écho à ceux qui, de l’intérieur, avec courage et talent, veulent faire bouger les certitudes et les frontières. Le boycottage, que l’on a cru un temps abandonné, a été confirmé hier par la codirectrice du réseau, revendiquant le pacifisme et la visibilité du geste. S’est-elle demandé s’il ne contribuait pas à élever des murs plutôt qu’à les abattre ?
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