TOUT EST DIT

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jeudi 10 juin 2010


Tristes humoristes...

L'humour peut être féroce en politique, mais attention aux cibles faciles, surtout quand on s'en prend au physique ou à la vie privée.

Daniel Cohn-Bendit aurait-il réagi ainsi à vingt ans? Quoi qu'il en soit, le coup de gueule, samedi, du leader d'Europe Écologie devrait relancer un débat non seulement chez les politiques mais chez les humoristes ou prétendus tels. De quoi s'agit-il ? Le matin même, le numéro deux des Verts, Jean-Vincent Placé, conteste le projet de Dany - une candidature d'Éva Joly en 2012 - en qualifiant la célèbre juge de «vieille éthique». Il lui préfère une «jeune dynamique» : Cécile Duflot. «Je ne veux pas d'une organisation où on peut dire des choses comme ça ! » crie Dany. Mais n'a-t-il pas lui-même traité Placé de «crétin politique»? «Ça n'est pas la même chose, merde !»

Cibles faciles

Il a raison : ça n'est pas la même chose de critiquer les idées d'un adversaire ou de s'en prendre - comme la presse d'extrême droite des années 40 - à son physique et à sa vie privée. On se souvient des «Guignols» contre Édith Cresson lorsque François Mitterrand la nomma Premier ministre. On se souvient aussi de Roselyne Bachelot en pleurs, une émission l'ayant imaginée, à cause de son rire, dans des poses lascives. Certains cultivent ce genre : Guy Carlier, maintenant sur Europe 1, dépeint Nadine Morano «dansant de toutes ses forces... comme on imagine qu'elle fait l'amour». Il moque Ségolène Royal, son «cul en arrière comme celui des bébés qui commencent à marcher avec des couches» ou Christine Boutin, qui «réprime un rot aux effluves chargés de viennoiseries»...

Un homme brisé

Les cibles catholiques sont privilégiées. Faire de l'humour aux dépens d'un juif ou d'un musulman, c'est s'exposer, comme le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, à un tollé. Tandis qu'un catho, c'est pain bénit ! Le nouveau chroniqueur de France Inter, François Morel, se croyait donc à l'abri - au contraire de Stéphane Guillon, blâmé pour ses chroniques graveleuses sur «DSK» ou Éric Besson - en s'en prenant à un «Tartuffe » - Philippe de Villiers - à propos du drame entre deux de ses fils. Mais, vendredi, un magistrat respecté, Philippe Bilger, l'écoute. Il réagit dans son blog : «Dans tous les cas, cette affaire intra-familiale constitue un bouleversement, une dévastation, au moins un terrible chagrin»... Et de lâcher cette flèche, terrible pour les médias : «Mais Philippe de Villiers, qui n'est plus quelqu'un d'important et qu'on peut traîner sans vergogne dans la boue humoristique, n'a pas droit évidemment à cette belle tradition républicaine qui veut qu'on n'offense pas davantage un être déjà brisé par un sort privé.» J'entends déjà «Si on ne peut même plus rigoler !». Certains, pourtant, y parviennent, sans tirer au-dessous de la ceinture. Mais ceux-là ont un peu de coeur. Et beaucoup de talent.

* Christine Clerc

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