TOUT EST DIT

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mercredi 26 mai 2010

Priorité oubliée

Relégation. Dans la vie comme dans le sport, c'est un mot détestable. Un sentiment d'humiliation autant que la sanction d'un échec. Il n'y a pas que des équipes de foot qui l'éprouvent à un moment ou à un autre de leur histoire. Des quartiers entiers, aussi. Ceux qui dans les années 60 et 70, pourtant, devaient incarner la modernité et qui, aujourd'hui, symbolisent tout à la fois la violence ordinaire et sporadique, les zones de non droit, la drogue, le chômage, la dégradation de l'espace urbain, les ratés de l'intégration.
Que peuvent-ils ressentir après la déclaration de François Fillon, hier après-midi ? Le chef du gouvernement a fait clairement comprendre à leurs élus qu'ils n'étaient pas une priorité. Les banlieues - terme désormais générique - sont à la marge de la vision politique du pays comme elles le sont, physiquement, des grandes métropoles et des villes moyennes. A la marge. En marge de la cité, comme un perpétuel oubli.
Elles en ont l'habitude : elles devront attendre, donc. Encore. Comme elles ont attendu pendant un an la mise en place d'un conseil national de la ville qui a d'emblée affiché un manque d'ambition inquiétant.
Quand on n'a pas d'idée ou quand on n'a pas d'argent, on fait des discours. Le Premier ministre a fait une démonstration brillante de la validité de la formule. Si on a bien compris, le grand effort national pour les banlieues se limitera à la promesse du « nettoyer au Kärcher » faite par le président de la République il y a trois ans et dont les effets visuels comme judiciaires sont à peu près inexistants.
Après les avancées imaginatives du « plan Marshall » de Jean-Louis Borloo, les pétards mouillés du « plan Espoir » de Fadela Amara ont fait long feu. Le pouvoir avait la tête ailleurs. Aurait-il préféré, consciemment ou non, effacer des mémoires les émeutes de 2005, gommées avec application du paysage de « la France d'après » ?
Vingt et une nuits fauves nous avaient pourtant jeté à la figure quarante ans d'abandon. Mais on a préféré dépenser beaucoup de temps et d'énergie dans les vaines polémiques sur l'identité nationale plutôt que de regarder en face l'un des visages de la France. Tourmenté, certes, mais plein de vitalité. Il attend toujours une reconnaissance.
C'est qu'elles coûtent cher, les banlieues, exigent beaucoup d'opiniâtreté, déçoivent souvent et ne peuvent pas montrer des progrès rapides. Anachronique dans une période où on veut faire du résultat immédiat. Alors, on s'est arrêté au plus facile. On a vanté la diversité qu'elles représentent - sur le mode décoratif - mais ont-elles jamais vraiment compté dans le projet de la nation ? Il n'y a pas de guerre à mener dans ces quartiers, sinon contre la désespérance. Sans angélisme et avec fermeté, il faut commencer par leur dessiner le printemps qu'elles attendent.


Olivier Picard

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