La guerre de 60 ans aura bien lieu. Entre rumeurs plus ou moins savamment orchestrées et polémiques plus ou moins dignes, c'est à peu près la seule certitude qui se dégage du débat sur les retraites. À gauche comme à droite, on veut en découdre sur le front très politique idéologique de l'âge légal.
Les armes lourdes sont de sortie en même temps que les prises de position caricaturales, avec, à l'évidence, une ligne d'horizon très claire : la présidentielle de 2012. La guerre de communication qui est ouverte n'en est sans doute qu'à ses premières salves. Celui qui la gagnera aura peut-être fait le plus gros.
Ralliez-vous à mon panache rose, ne touchez pas à l'un des derniers totems de la gauche au pouvoir. Martine Aubry a enfilé, la première, la tenue de campagne. En abandonnant (pour l'heure ?) le terrain du réalisme économique pour capitaliser sur une symbolique de gauche, de justice. En refermant vigoureusement la parenthèse d'un possible recul de l'âge du départ qu'elle ne semblait pas exclure il y a encore deux mois. En endossant une promesse des plus hypothétiques sur le retour aux 60 ans le cas échéant. En laissant aussi à Dominique Strauss-Kahn le champ libre pour une partition plus pragmatique.
Bref, la patronne du PS se radicalise, quitte à perdre en crédibilité économique ce qu'elle espère gagner en crédit politique dans la mouvance de la « vraie » gauche et auprès des syndicats.
De son côté, le camp gouvernemental continue à pratiquer, dans une certaine confusion, l'art de la « fuite » organisée sur l'abandon de l'âge légal à 60 ans pour tester apparemment le degré d'acceptation ou de refus de l'opinion. Même si cela ressemble un peu trop à un jeu de dupes où les dés sont pipés, c'est-à-dire les décisions déjà prises.
Les dénégations de pure forme de François Fillon et Éric Woerth ne font pas beaucoup illusion face au rouleau compresseur du camp majoritaire. Dans un système de pouvoir aussi centralisé - élyséen - que le nôtre, qui peut croire que le forcing généralisé de l'UMP sur le recul de l'âge légal relève d'une simple proposition d'élus se poussant du col ?
Reste que la position du pouvoir ressemble à une vraie déclaration des hostilités à l'égard des partenaires sociaux. Le gouvernement donne l'impression, aujourd'hui, de passer par-dessus la tête des syndicats, de concentrer le débat sur le point le plus controversé de la réforme et de viser au coeur même de l'unité intersyndicale : le maintien de l'âge légal.
Après un 1er-Mai de rassemblements en demi-teinte, la CGT et ses alliés sont donc au pied du mur. Désormais confrontés à un projet sorti du flou et du bois, ils sont condamnés à réussir la mobilisation de ce jeudi, car l'horizon estival qui se rapproche à grande vitesse ne leur laisse pas le choix. Ou bien ils arrivent à freiner le char de la réforme que Nicolas Sarkozy veut emblématique pour ponctuer son mandat présidentiel, ou bien ils coincent et leur résistance deviendra hypothétique.
Pour une fois l'appellation de journée test n'est pas usurpée.
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