TOUT EST DIT

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mercredi 26 mai 2010

Le « storytelling » des Etats

La planète finance est comme secouée par un tremblement de terre. Les repères habituels valdinguent, des actions de père de famille aux Etats, en passant par les banques et les frontières coréennes. Du coup, les investisseurs se raccrochent à la trinité de la stabilité : le dollar, l'or, le Bund. Le billet vert a culminé face à l'euro, le métal jaune a encore grimpé et les obligations d'Etat allemandes s'arrachent au point de faire ramener les taux d'intérêt allemands à long terme autour de 2,5 %. Dans les salles de marché, on ne sait plus à quel saint se vouer. Ou, plus précisément, on ne sait plus en quel récit on peut encore croire. Car les investisseurs ne sont pas des monstres froids guidés par la seule cupidité. Au contraire : ils n'aiment rien tant que de se faire raconter une belle histoire, avec un début, une fin et le chemin choisi pour aller de l'un à l'autre. Tout en sachant très bien que l'histoire ne se déroulera pas comme prévu, qu'il y aura des mauvaises surprises, des détours imprévus et des raccourcis surprenants.

Les gouvernants ont parfaitement compris ce goût des marchés. Ces dernières décennies, ils ont développé un véritable art du « storytelling » économique. Un pays comme la France affecte certains de ses plus brillants sujets à l'Agence France Trésor, chargée de porter la bonne parole tricolore à coups de « roadshows » partout où il y a de l'argent à placer.

Le problème, c'est qu'une crise financière séculaire a bousculé les scénarios racontés ces dernières années. Comme dans un séisme, les plafonds sont passés au-dessous des planchers et les courbes macroéconomiques ressemblent à des poutrelles tordues par la violence du choc. Les Etats développés sont pris dans des contradictions apparemment insolubles. Leurs dirigeants racontent par exemple qu'ils vont faire des efforts budgétaires sans précédent l'an prochain pour maîtriser leurs déficits publics. Ces derniers jours, ceux de l'Italie et du Royaume-Uni sont venus rejoindre la France, les Etats-Unis, l'Allemagne et l'Espagne dans le choeur de ces belles promesses. Mais, dans le même temps, ils expliquent que le boom de la croissance va doper leurs rentrées fiscales, alors que le tour de vis budgétaire risque d'étouffer des économies encore mal remises du choc encaissé en 2008-2009. En France, le gouvernement conserve par exemple l'hypothèse devenue complètement irréaliste d'une croissance annuelle moyenne de 2,5 % dans les trois prochaines années. Le calme reviendra quand les Etats recommenceront à raconter une histoire crédible, et non plus des histoires.



JEAN-MARC VITTORI

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