TOUT EST DIT

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mercredi 19 mai 2010

Crise d'une monnaie sans État


Les chocs qui secouent l'euro depuis plusieurs semaines conduisent à s'interroger sur l'avenir de la monnaie européenne. L'euro est, à la fois, une chance et un risque. Une chance car il marque une étape très importante de l'histoire européenne. Un risque car il constitue une innovation sans précédent historique : une monnaie sans État.

Ses soucis récents ne doivent pas dissimuler tout ce que l'euro a apporté à la construction européenne. Une défense efficace du pouvoir d'achat, grâce à une hausse des prix maintenue au-dessous de 2 % l'an depuis une douzaine d'années, même si des dérapages ponctuels sur des produits symboliques (ici la tasse de café, ailleurs la baguette de pain...) ont donné l'impression (non fondée) que la nouvelle monnaie avait entraîné tous les prix à la hausse.

De même, l'existence de l'euro a freiné la hausse des taux d'intérêts dans les pays qui avaient l'habitude de financer leur développement en laissant filer leur monnaie. La crise financière elle-même, partie des États-Unis, a pu être contenue (en partie) par l'action rapide de la Banque centrale européenne. Dès l'été 2007, elle a empêché l'assèchement des liquidités dans le système bancaire et, par là, évité des erreurs commises lors de la crise des années trente.

Sur le plan politique, l'existence de l'euro a manifesté auprès des peuples ¯ qui ont ce symbole dans leur poche tous les jours ¯ la poursuite de l'oeuvre de construction européenne. Et ceci, malgré l'élargissement rapide du nombre des pays membres, consécutif à la chute du communisme en Europe centrale et orientale. Les fragilités nées de cet élargissement apparaissent, aujourd'hui, comme le prix de la liberté gagnée par ces pays. Dira-t-on que c'est trop cher payé ?

L'avenir de l'Europe

La crise actuelle de l'euro résulte, pour une part, de cet élargissement trop rapide. Le cas de la Grèce est, si l'on peut dire, exemplaire. Ce pays n'aurait pas dû être admis si vite dans la zone euro. Il n'était pas mûr. On lui a rendu un mauvais service en précipitant les choses. Faute de pouvoir dévaluer sa monnaie nationale pour éponger ses dettes (ce qui l'aurait appauvrie, mais c'est un remède classique quand on se laisse aller trop longtemps), la Grèce va payer encore plus cher le rétablissement de ses équilibres.

Tout cela nous montre que la création de l'euro comportait une logique que les gouvernements n'ont pas voulu prendre en considération. Celle de la construction progressive d'un État original, que Jacques Delors appelle une fédération d'États-nations, différente des fédérations existantes aux États-Unis, en Suisse ou en Allemagne. Cet État fédéral original reste à construire. Dans l'esprit d'un Mitterrand et d'un Kohl, la monnaie unique devait être une étape décisive vers sa création.

La crise actuelle va-t-elle en convaincre les gouvernements concernés, et d'abord la France et l'Allemagne ? C'est très exactement l'enjeu des prochains mois. Cela passe par une coordination plus efficace des budgets nationaux. Et aussi par une action concertée des États membres dans la finance internationale. Avons-nous les hommes d'État conscients de cet enjeu majeur et capables d'éclairer les peuples sur ces chemins inédits ? De la réponse à cette question dépend, non pas l'avenir de l'euro, mais l'avenir de l'Europe.

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