TOUT EST DIT

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mardi 23 mars 2010

Nicolas Sarkozy contraint à l'ouverture à droite

Le remaniement ministériel, annoncé en catimini par un communiqué de l'Elysée lundi 22 mars, a été expédié au lendemain de la défaite de la droite aux élections régionales. Peu spectaculaire, il n'est pas censé répondre aux inquiétudes des Français. Sans doute ceux-ci retiendront-ils que le ministre des affaires sociales, Xavier Darcos, naguère "premier ministrable" mais sévèrement battu en Aquitaine, est le seul sacrifié d'une déroute électorale où tous les ministres ont été défaits.
Non, en réalité, cet ajustement s'adresse à la droite parlementaire, à la veille d'une réunion des députés UMP qui s'annonçait houleuse. Nicolas Sarkozy, qui fixera le cap lors d'une déclaration publique à la sortie du conseil des ministres, mercredi 24 mars, rassemble son camp et retrouve les valeurs de droite.

Le chef de l'Etat entend s'appuyer sur toutes les sensibilités de l'UMP, chiraquiens, villepinistes et centristes; il profite du départ volontaire de Martin Hirsch, haut-commissaire aux solidarités actives et à la jeunesse, pour marquer une pause dans l'ouverture à gauche, si mal comprise par ses électeurs; enfin, il veut former une équipe de choc à sa main pour aborder le seul grand projet de l'année, la réforme des retraites, en chargeant du dossier Eric Woerth, qui quitte le ministère du budget pour celui du travail.

A l'automne, il sera temps de voir si les Français acceptent les réformes et d'aborder la dernière ligne droite du quinquennat, avec un nouveau premier ministre, une déclaration de politique générale devant le Parlement et un vrai remaniement, qui parleront plus aux électeurs.

RÉCONCILIATION

Les "bannis" du sarkozysme font leur entrée au gouvernement. M. Sarkozy scelle sa réconciliation avec le chiraquien François Baroin, nommé ministre du budget. Ce dernier n'avait pas rejoint M. Sarkozy à la fin de la campagne présidentielle, préférant rester fidèle à Jacques Chirac et devenir éphémère ministre de l'intérieur, entre mars et mai 2007. Ce choix avait suscité les quolibets de M Sarkozy.

En nommant Georges Tron, secrétaire d'Etat à la fonction publique, M. Sarkozy continue de dépouiller son rival Dominique de Villepin de ses partisans. Fin 2008, il avait déjà fait entrer au gouvernement l'ancien directeur de cabinet du premier ministre de Jacques Chirac, Bruno Le Maire. Reste le député de la Drôme Hervé Mariton, installé dans un jeu de rôle critique et médiatique. Il sait "jusqu'où aller trop loin" avec M. Sarkozy. C'est donc isolé que M. de Villepin devrait présenter, jeudi, son nouveau mouvement.

Enfin, en choisissant Marc-Philippe Daubresse, ministre de la jeunesse et des solidarités actives, pour succéder à M. Hirsch, M.Sarkozy envoie un signal aux centristes qui avaient rejoint l'UMP lors de sa fondation. Ces derniers se jugeaient maltraités, M. Sarkozy préférant accorder des postes aux UDF restés fidèles à François Bayrou jusqu'à la présidentielle de 2007, réunis dans le Nouveau Centre.

Le chef de l'Etat a profité de son ajustement ministériel pour laisser Martin Hirsch, rare personnalité d'ouverture incarnant encore les valeurs de gauche, quitter le gouvernement. Il présidera l'Agence du service civique. L'ancien patron d'Emmaüs France, qui n'avait pas caché son malaise face au débat sur l'identité nationale, avait, fin 2009, indiqué à M. Sarkozy et M. Fillon son intention de quitter le gouvernement. Ces derniers lui avaient demandé de rester au moins jusqu'aux régionales.

Les projets de M. Hirsch firent grogner la droite traditionnelle : à la fin de l'été 2008, lorsqu'il fut décidé d'augmenter la fiscalité de l'épargne pour financer le Revenu de solidarité active (RSA); six mois plus tard, pour venir en aide aux jeunes, faisant craindre un "développement de la culture de l'assistanat".

M. Fillon ne manquait pas de s'inquiéter du coût des réformes de M. Hirsch. Certains conseillers dénonçaient son "chantage" à la bonne conscience. "Quand je vois Hirsch, je comprends pourquoi je suis de droite", pestait un jeune ministre.

Le départ de M. Hirsch étant volontaire, M. Sarkozy peut laisser croire qu'il ne sacrifie pas l'ouverture. Celle-ci est pourtant moribonde, même si Fadela Amara, la secrétaire d'Etat à la ville et fondatrice de l'association "Ni putes ni soumises" sauve son poste, alors que M.Fillon souhaitait l'évincer.

Eric Besson, membre de l'UMP, s'est brûlé les ailes en devenant ministre de l'immigration et de l'identité nationale. Il souhaitait faire une pause ou trouver un poste moins exposé, mais M. Sarkozy n'a pas souhaité le déplacer.

Le ministre des affaires étrangères Bernard Kouchner, partisan de la guerre en Irak, a toujours été un électron libre, tandis que Jean-Marie Bockel, secrétaire d'Etat auprès du garde des sceaux et ancien chef de file de l'aile libérale du PS, n'est guère connu. Il n'a toujours pas de décret d'attribution.

Autre signal, M. Sarkozy entend jeter toutes ses forces dans la réforme des retraites. Il a créé un tandem d'experts, composé d'Eric Woerth, l'artisan de la revue générale des politiques publiques et du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite, et de M. Tron, spécialiste de la fonction publique.

La gestion de la fonction publique migre donc de Bercy au ministère du travail. L'avertissement est clair : dans la réforme, les fonctionnaires et les salariés du privé seront traités avec équité. M. Sarkozy espère faire accepter le relèvement de l'âge légal du départ en retraite de 60 à 61 ou 62 ans, seul moyen, selon ses conseillers, de faire des économies rapides. Les seuls à ne pas être sollicités seront les retraités : le président leur a garanti leurs pensions.

TAXE CARBONE ENTERRÉE

Si M. Darcos a été remercié, c'est avant tout parce qu'il s'opposait au conseiller social de l'Elysée, le tout-puissant Raymond Soubie. Ses prises de position, pendant la campagne des régionales, en faveur de l'interdiction des plans sociaux concernant les salariés âgés ou la notation par son ministère des entreprises luttant contre le stress au travail ont exaspéré M. Fillon. Son score aux régionales, deux fois inférieur à celui de son rival socialiste, permet de justifier son éviction.

Lors du remaniement de juin 2009 consécutif aux européennes, M. Darcos, alors ministre de l'éducation nationale en délicatesse avec les syndicats, avait déjà évité de justesse sa sortie du gouvernement.

Enfin, le chef de l'Etat va donner satisfaction à la droite, en enterrant la taxe carbone. Elle est contestée par les parlementaires et les classes populaires qui y voient un impôt, de surcroît antisocial. La condition du chef de l'Etat, d'instaurer une taxe carbone aux frontières de l'Europe, est jugée irréalisable.

"La taxe carbone est morte, parce que c'est impossible à faire", résume, faussement ennuyé, un proche de M. Sarkozy. Menacé sur sa droite par le Front national et par la désaffection de son propre camp, M. Sarkozy n'a plus pour priorité l'électorat écologiste.
Arnaud Leparmentier

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