TOUT EST DIT

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vendredi 30 novembre 2012

UMP - Copé et Fillon sont irresponsables mais pas (entièrement) coupables

Vous dressez un bilan - forcément provisoire - de la bataille qui divise l'UMP depuis presque deux semaines. Avec un parti pris surprenant : Copé et Fillon sont irresponsables mais pas (entièrement) coupables. Qu'est-ce que vous voulez dire ?
Ils sont évidemment indéfendables. Leur duel de chiffonniers déshonore la politique et offre le spectacle d'une ambition sans aucune mesure. Mais on peut essayer de comprendre ce qui leur est arrivé. Peut-être même leur trouver des excuses. D'abord, c'est la première fois qu'un grand parti a fait voter ses militants dans un vrai scrutin ouvert pour élire son chef - ça s'est mal passé, mais il serait paradoxal de préférer les arrangements de coulisse dans les congrès (ce qu'a souvent fait le RPR, et récemment le PS). En revanche, ce qui n'est pas nouveau, c'est la lutte meurtrière pour le pouvoir et l'acharnement à s'y maintenir. De ce point de vue-là, Copé et Fillon n'ont rien inventé.
Vous pensez qu'on peut dire que la droite française a déjà connu des épisodes pires que celui-là ?
La droite et la gauche. Difficile de comparer, car il n'y avait pas les chaînes d'info en continu. Les barons gaullistes n'étaient pas sur Twitter, mais ils ont essayé d'éliminer Pompidou avec de fausses rumeurs ignobles. Chirac a sabordé le parti gaulliste pour écarter Chaban-Delmas. Puis il a trahi Giscard pour fonder le RPR. Puis le RPR s'est fracturé avec le duel Chirac-Balladur - s'il y avait eu un vote, on ne sait pas qui aurait gagné, mais on est sûr qu'il y aurait eu de la triche. Et n'oublions pas que Mitterrand a pris en 1971 la tête du PS dont il n'était pas membre ! Et qu'en 1990, au congrès de Rennes, ses héritiers ont étalé leurs haines au grand jour d'une façon terrible. Jean-François Copé et François Fillon n'ont rien d'original.
Est-ce qu'on ne peut pas penser, quand même, que l'un ou l'autre - peut-être même les deux - aurait dû s'effacer pour préserver son parti ?
Rationnellement, oui. Sauf que, là encore, les contre-exemples sont nombreux. Mitterrand et Chirac ont verrouillé leurs partis et écarté tous les gêneurs : Rocard pour Mitterrand, les "rénovateurs" pour Chirac. Aujourd'hui, ils sont considérés comme de grands sages alors que c'étaient surtout des tueurs en série de la politique. Sarkozy et Hollande aussi ont mis les mains dans le cambouis des machineries de congrès - et même parfois des machinations, comme au congrès de Reims du PS en 2008. En revanche, ceux qui ont accepté de s'effacer, comme Rocard, Royal ou Balladur, n'ont jamais pu revenir. Quoi qu'en en dise, les Français ont toujours préféré la ténacité à la dignité. On a les dirigeants qu'on mérite.
Il n'empêche que Jean-François Copé et François Fillon sont en chute libre dans les sondages... Ils peuvent s'en remettre ?
Ils ont énormément perdu. Et sans doute toute chance d'être candidat à la présidentielle en 2017. François Fillon avait une image d'homme d'État responsable ; il l'a énormément abîmée dans cette affaire. Jean-François Copé, lui, ne pouvait pas perdre ce capital : il ne l'avait pas. Mais passer de la "droite décomplexée" à l'ambition décomplexée n'arrange pas sa popularité. Leur vraie défaite commune, c'est d'avoir probablement convaincu les Français que leur duel n'a aucune importance. Dans 20 ans, on le racontera comme un épisode de notre histoire politique. Pour l'instant, ça ressemble à une émission de télé-réalité.

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