Il faut rendre cette justice à François Hollande. Voilà un président
de la République qui fait ce qu'il dit. Ce premier budget du quinquennat
est en tout point conforme à ses promesses de la campagne
présidentielle. Tout y est, ou presque : le retour affiché, même s'il
est peu crédible, du déficit public à 3% du PIB, l'alignement de la
fiscalité du travail et du capital, la taxe à 75% au-dessus de 1 million
d'euros de revenus, le rétablissement du barème de l'ISF, le
plafonnement de la plupart des niches fiscales et l'alourdissement de
l'impôt payé par les grandes entreprises. Côté dépenses, le budget
finance les créations d'emplois publics dans les priorités fixées
-éducation, sécurité et justice-, qui sont plus qu'intégralement
compensées par des suppressions de postes dans les autres ministères.
Tout ceux qui ont voté pour Hollande le 6 mai n'ont pas lieu d'être
mécontents. Ils ont voulu la rigueur de gauche, là voilà ! Certes, ce
n'est pas le « grand soir » fiscal espéré par les plus fanatiques, mais
2012 marque bien un vrai tournant après vingt cinq ans pendant
lesquelles l'idéologie libérale dominante a consisté à baisser les
impôts. La droite, comme la gauche, ont cédé tour à tour à cette mode
venue d'outre-Atlantique, selon laquelle il était forcément bon pour la
croissance de distribuer du pouvoir d'achat par l'allègement des impôts.
On en a vu le résultat désastreux : comme parallèlement, on n'a pas
réduit les dépenses publiques, la dette s'est envolée. Il fallait bien
que la facture arrive un jour et il faut reconnaître que si la note est
douloureuse, elle n'est pas inattendue. On peut même espérer un effet
vertueux et pédagogique sur tous les Français de ce brutal rappel à la
réalité. La seule « surprise » du budget 2013 est la création d'un «
bouclier fiscal de gauche », qui plafonne à 75% l'imposition totale des
contribuables concernés par l'ISF. Ce bouclier qui rétablit, à un taux
plus faible de 10 points, et en y incluant la CSG, le plafonnement
Bérégovoy-Rocard de 1988, est révélateur de la gêne du pouvoir dans sa
volonté de taxer les « riches ». Et de fait, comme l'avait dit François
Hollande début septembre, lors de la polémique sur le vrai-faux départ
de Bernard Arnault en Belgique, la surtaxe de 18% portant à 75%
l'imposition des revenus d'activité supérieurs à 1 million d'euros ne
portera que sur 2012 et 2013. A priori, cette exception française
disparaitra donc dans deux ans. Vu le rendement extrèmement faible de
cette mesure "exceptionnelle" de crise, il n'y aura pas lieu de la
regretter, au-delà du symbole !
Au final, la principale rupture du budget 2013 est la suppression du
prélèvement libératoire sur les revenus de l'épargne. Cette mesure, en
apparence de justice fiscale, aligne la taxation du travail et du
capital. Mais c'est oublier que le capital est déjà très lourdement
impacté, par le biais de l'inflation. Ainsi, quand un individu perçoit
un revenu annuel brut de 4% sur son capital, ce qui est déjà bien, son
rendement réel est minoré d'environ 2 points, qui correspond à
l'érosion monétaire. Mais comme il est taxé sur la base de son rendement
brut, l'imposition réelle du capital représente en fait le double du
taux d'imposition. Or, celui-ci avait déjà été porté par Nicolas Sarkozy
de 28% à 39,5%, en incluant les 15,5 points de prélèvements sociaux sur
le capital (soit 79%). En appliquant les nouveaux taux du barème
Hollande (45% au-delà de 150.000 euros par part, 49% en ajoutant la
contribution exceptionnelle Sarkozy de 4% au-delà de 250.000 euros), on
va atteindre à partir de 2012 des niveaux d'imposition brute qui
pourront atteindre de 60,5% à 64,5% et donc de 121% à 129% en terme réel
!!! Si ce n'est pas confiscatoire, qu'est ce qui l'est...
En alignant fiscalité du travail et du capital, François Hollande
vient donc donner un coup d'accélérateur à l'euthanasie des rentiers
dont parle Keynes. Autant dire tout de suite que la dette française ne
sera jamais remboursée, ce sera plus simple ! Une chose est sûre : un
épargnant français n'a plus aucune raison de détenir une OAT à dix ans,
sinon dans le cadre fiscal préservé de l'assurance-vie, et encore...
Sauf à accepter de payer l'Etat pour qu'il lui serve de coffre-fort ce
qui est déjà en partie le cas puisque les rendements réels des emprunts
du Trésor sont négatifs jusqu'à deux ans de maturité... Tout cela serait
très bien si cette réforme fiscale conduisait les Français à réduire
leurs bas de laine pour consommer plus (de produits français,
version Montebourg) ou en tout cas à réorienter leurs placements de la
rente vers le risque, des obligations d'Etat vers le financement des
entreprises (les dividendes sont en effet relativement épargnés pour
l'instant par la rigueur fiscale de gauche). C'est peut-être le but
vertueux recherché par la réforme Hollande qui connaît si bien la
fiscalité que certains voient en lui le véritable chef du bureau de la
législation fiscale à Bercy.... A un gros détail près : qui alors va
acheter les 170 milliards d'euros d'obligations à moyen et long terme
que le Trésor va devoir émettre l'an prochain ? A force de traiter le
riche épargnant comme une vache à lait, le gouvernement court le risque
de renforcer encore plus le pouvoir des investisseurs étrangers dans le
financement de la dette française... Et de s'enfermer encore un peu plus
dans le piège de l'austérité exigée par les marchés financiers...
dimanche 30 septembre 2012
Hollande accélère l'euthanasie des rentiers
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