mercredi 29 août 2012
Le fait de la princesse ?
Dimanche à La Rochelle, lors de son discours de clôture (voir Présent
d’hier) Martine Aubry avait dressé une sorte de bilan
auto-glorificateur de ses quatre années passées à la tête du PS,
semblant indiquer qu’elle s’apprêtait bien à tourner la page. Impression
renforcée par la déclaration du Premier ministre, Jean-Marc Ayrault :
« Martine part en laissant un bilan qui fera date dans notre histoire. »
Mais la mâtine Martine avait, la veille, ajouté un petit codicille un
peu passé inaperçu à son laïus apparemment destiné à prendre congé : « Si
tout se passe bien je passerai la main. Mais j’ai encore un petit peu
de travail pour m’assurer que le parti est sur de bons rails. » Des rails posés par ses soins et dont elle entend vérifier qu’ils ne seront pas déboulonnés par quelques saboteurs. Si tout se passe bien… Si non quoi ? Elle reste !
Vrai ou faux suspens ? En fait, selon un cacique du PS, Martine
Aubry, qui aime souffler le chaud et le froid (cela l’amuse, paraît-il),
ne veut pas « officialiser son départ trop tôt (…). Elle veut se laisser le choix de l’héritier qui
sera connu au plus tard le 11 septembre à minuit, date de dépôt des
motions pour le congrès ». C’est une spécificité typiquement socialiste.
Explication : « Depuis la réforme des statuts votés par les militants
en juillet 2010, le premier signataire de la motion arrivée en tête au congrès devient le patron du parti. » Une mesure loufoque relevant autant de la bureaucratie soviétique que de la commedia dell’arte. En
effet : le texte « voulu par le Premier ministre Jean-Marc Ayrault et
Martine Aubry, soutenu par tout le gouvernement, étant assuré d’être
ultra-majoritaire, c’est mécaniquement le premier signataire de celui-ci qui héritera de la rue de Solferino ». L’heureux élu sera donc celui à qui Martine Aubry daignera passer son stylo en premier.
Alors Harlem Désir ou Jean-Christophe Cambadélis ? (Voir Présent d’hier.)
Le premier aurait la préférence de François Hollande. Mais, toujours
selon le même connaisseur des arcanes du PS et des états d’âme de ses
dirigeants, Martine Aubry nourrirait un petit grief contre Harlem Désir,
bien que celui-ci ait été son numéro 2 durant quatre ans. Elle lui
reprocherait de « ne pas l’avoir assez bien soutenue pendant les
primaires, lorsqu’il assurait l’intérim à la tête du parti socialiste ».
En somme, si la gauche a gagné en 2012 tout à la fois l’Elysée puis les
législatives, et l’année précédente les sénatoriales, « c’est un peu,
beaucoup même, grâce à Mme Aubry ». Mais si cette dernière a perdu assez
largement les primaires socialistes, c’est la faute aux autres. La
faute à ce premier secrétaire intérimaire inopérant qu’elle soupçonnait
d’avoir une bienveillance coupable pour Hollande. La faute aussi à ces
milliers d’électeurs de gauche qui n’ont pas voté pour elle… Tous des
nazes !
Au bon plaisir de la reine mère
Si elle ne revient pas sur sa décision de partir (elle est assez
coutumière des coups de théâtre), Martine Aubry entend donc décider
seule du choix de son successeur. Ce bon plaisir agace plus d’un
militant. Surtout parmi les jeunes, pas encore au fait de tous les us et
coutumes de l’appareil socialiste. « On n’est pas en Angleterre où la reine choisit entre son fils et son petit-fils. » Ou encore, dans la même veine monarchique : « Maintenant, au Parti socialiste, on ne vote plus. On transmet. »
Les socialistes seraient-ils devenus royalistes sans Ségolène ? Il y a
même de plus méchantes langues qui comparent cette élection, – aux
grands électeurs extrêmement réduits (on peut même parler d’une seule
grande électrice) – au système de la Corée-du-Nord. Ce qui est
évidemment très exagéré. Martine Aubry n’est pas Kim Jong… Tout au plus
le coryphée socialiste du Nord de la France.
Cambadélis n’enthousiasme pas totalement non plus Mme Aubry. Mais
elle préfère tout de même léguer son héritage à l’un de ces deux-là,
plutôt qu’à des proches tellement honnis de François Hollande, comme
Stéphane Le Foll et François Rebsamen, qui durant les primaires n’ont
pas ménagé la mairesse de Lille. Celle-ci en a gardé quelques bleus à
l’âme. Et une rancune tenace. « A la fin des fins, ce sera un adoubement par défaut. On aura celui que la sortante répugne le moins à voir lui succéder. »
Le prochain premier secrétaire socialiste ne sera donc pas porté à la
tête de son parti par une vague d’enthousiasme. C’est le moins qu’on
puisse dire.
Des « amis » trop flagorneurs pour être honnêtes
Si tout se passe bien… Sinon, au moindre signe négatif, elle rempile. C’est la crainte qui tétanise l’entourage du président de la République. « Les hollandais historiques retiennent leur souffle en priant qu’elle partira bel et bien. »
Dans cette perspective l’Elysée avait donné comme consigne, pour
l’université d’été, de surtout rien faire, rien dire qui puisse heurter
ou contrarier la « mère tape-dure ». C’est sous ce sobriquet
irrespectueux que certains socialistes, lorsqu’ils sont entre eux,
désignent la première secrétaire. D’autres, plus subtils, préférant
celui de « la mère (ou l’amère ?) péremptoire ». Donc, même ceux
qui, à l’instar de François Hollande, la détestent cordialement, ont été
priés de manier l’encensoir sur son passage.
Ces thuriféraires obligés le font parfois avec une ironie grinçante « Je soutiens Martine dans tout ce qu’elle fait »,
ricanait dimanche à La Rochelle l’un d’eux. Surtout que, jusqu’au
11 septembre, « tout se passe bien », qu’elle fiche le camp comme prévu
et du même coup nous fiche enfin la paix… Attention toutefois de ne pas
vexer l’extrême susceptibilité de la dame du Nord par des flatteries
trop flagorneuses, donc trop manifestement goguenardes. La toujours
première secrétaire, qui n’aime pas du tout qu’on se paie sa fiole,
serait capable de poser ses valises et de se réinstaller illico à
Solferino pour la durée du quinquennat. Un cauchemar pas encore
totalement dissipé pour le président de la République et son Premier
ministre… Même s’ils essaient de l’exorciser de leur mieux. Ces deux-là
danseront de joie, sans doute la gigue écossaise, le 12 au matin. Si tout se passe bien…
Et « Camba » dans tout ça ?
Le candidat Cambadélis compte lui sur ses réseaux d’anciens
trotskistes et ses amis strauss-kahniens. Il proclame partout qu’il
partage avec Martine Aubry une même « détestation de l’eau tiède ». Une
expression qu’il devrait toutefois éviter de trop répéter en ce moment…
Chaque fois que Martine Aubry évoquait avec rage et mépris « l’eau
tiède », c’était pour y faire apparaître le visage « trop mou » de
François Hollande… Aujourd’hui, à l’Elysée, la tiédeur est un plat qui
se mange froid… Parfois mitonné aux petits oignons par Valérie
Trierweiler. Alors Cambadélis ferait mieux de fermer son robinet.
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