dimanche 8 juillet 2012
Avec Jean-Marc Ayrault, l’adaptation au réel, ça n’est pas maintenant !
L’émergence d’une nouvelle génération de
technocrates socialistes, issus de Terra Nova, familiers du Siècle et
même, pour certains, du Cercle de Bilderberg n’a laissé aucune trace
dans la feuille de route du nouveau gouvernement. Le Parti socialiste
retourne aux grands classiques.
Les Français n’en ont déjà retenu que plus de fonctionnaires et plus d’impôts.
Les
créations de postes sont égrenées de manière aussi monotone
qu’inquiétante, d’abord dans un certain nombre de secteurs-clé :
l’Education nationale, bien sûr mais aussi la police, la gendarmerie,
la justice, auxquels s’ajoutent 150 000 emplois dits d’«avenir » pour
les jeunes (que les collectivités locales finissent généralement par
titulariser). L’application assouplie de la règle de non remplacement
d’un fonctionnaire sur deux ne reposera que sur des ministères non
prioritaires comme la défense, et pour cause : presque rien dans le discours d’Ayrault sur la politique étrangère et les menaces qui planent aujourd’hui sur le monde.
En regard de ces recrutements, une solide couche d’impôts nouveaux : 7 milliards tout de suite, bien plus à la rentrée.
Contrairement à ce qui est annoncé, ils n’épargneront pas les classes
moyennes (instauration d’une tranche à 45 %), ni même populaires (les
heures supplémentaires redeviennent imposables).
Tout
cela se comprendrait si, comme il arrivait au temps béni des trente
glorieuses, un nouveau gouvernement de gauche, disposant d’une vraie
marge de manœuvre, avait trouvé une France sous-imposée et sous-équipée
en services sociaux ou insuffisamment solidaire. Mais nous n’en sommes
plus là ! La contrainte européenne que le Parti socialiste ne remet pas
vraiment en cause, se fait de plus en plus rigoureuse. Il était déjà
très difficile de rester au-dessous d’un déficit de 4,5 % en 2013 ou de
rétablir l’équilibre d’ici 2007 : ce sera plus difficile si on charge
encore la barque. Même si certains aménagement fiscaux corrigent de réelles injustices, ce n’est pas au profit de contribuables qui payent trop :
ces corrections aboutissent seulement à alourdir la charge globale ; la
France est déjà, avec des dépenses publiques à hauteur de 56 % du
PIB, en dehors sans doute de la Corée du Nord, le pays le plus socialisé
du monde. C’est un bien mauvais service que le gouvernement rend à
notre pays en aggravant encore ce poids. D’autant que l’expérience
montre que ces hausses sont généralement irréversibles, une marche
avant sans marche arrière.
Même contradiction en matière industrielle. On peut facilement se gausser du titre ronflant d’Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif : après tout, l’ambition est louable – et même nécessaire. Mais
elle est contredite par toutes les mesures qui vont au contraire rendre
ce redressement plus difficile : hausse de la fiscalité des
entreprises (spécialement celle des PME qui produisent en France, les
multinationales qui financent les clubs socialistes y échappant),
maintien dans l’euro, suppression de la TVA sociale (seul succédané
possible, si on veut maintenir la compétitivité, à une sortie de l’euro).
La banque publique d’investissements est bienvenue mais n’existe-t-elle
pas déjà ? Les efforts promis de recherche aussi, mais ils n’auront pas
d’effet immédiat. Au moment où les annonces de plans sociaux et de
fermetures d’usines se multiplient, la nomination de Louis Gallois,
homme symbole et très estimable, comme commissaire aux investissements,
ne rappelle-t-elle pas, toutes proportions gardées, le recours
illusoire à un maréchal de France dans le désastre de 1940 ? Le
contraste entre le volontarisme affiché et l’aggravation de tous les
handicaps macro-économiques du pays a quelque chose de pathétique. Montebourg
va souffrir, lui qui avait eu le courage de poser le problème de la
compatibilité entre le socialisme et le mondialisme.
Le volontarisme est plus à sa place en matière de
logement social, où la contrainte de la compétitivité n’existe pas mais
survivra-t-il à la contrainte financière ?
On ne
pleurera pas sur la surimposition des banques ou des sociétés
pétrolières, pas davantage sur la suppression d’avantages indus accordés
aux Français de l’étranger en matière scolaire.
L’annonce
de la réduction de la part du nucléaire dans la consommation
d’électricité est un pur symbole : ou le nucléaire est dangereux et il
faut le supprimer tout de suite, ou il ne l ‘est pas et il faut le
maintenir. Mais, même non suivie d’effet, cette annonce nuira gravement à
la crédibilité d’Areva.
Même marche à rebours en
matière d’administration territoriale : certes, personne ne regrettera
le conseiller territorial, inutile hybride d’une inutile réforme
Sarkozy, en partie abrogée, mais au moment où l’opinion supporte de
moins en moins l’inflation d’une administration locale dispendieuse,
faut-il en remettre une couche avec un nouveau train de
décentralisation ? Et laisser proliférer la jungle de
l’intercommunalité ?
En
définitive, tout cela ressemble dramatiquement à une reprise de 1981 :
on annonçait alors, complètement à contre-courant, la relance de la
filière charbonnière, pour mieux la démanteler plus tard. Et avec son
allure faussement rassurante de prof de gym, Jean-Marc Ayrault,
au milieu d’un gouvernement d’énarques branchés, n’évoque-il pas une
époque désormais révolue de l’histoire du socialisme ?
Le
Premier ministre a donné beaucoup de chiffres. Du « qualitatif » des
politiques, on ne saurait attendre grand-chose. Comme il arrive depuis
trente ans, la hausse des emplois publics et des impôts , vrai tonneau
des Danaïdes, est l’inutile remède à des politiques vicieuses : créer
des emplois d’avenir et recruter au Pôle emploi ( comme la droite
l’avait d’ailleurs déjà fait) est une mauvaise réponse à la montée du
chômage qui découle d’abord de la politique monétaire suivie depuis
1992, poursuivie avec l’euro fort – et aussi de l’afflux de jeunes
générations d’immigrés - , mettre plus d’enseignants dans le primaire
évite de remettre en cause des méthodes pédagogiques absurdes, recruter
plus de policiers et de juges est rendu nécessaire par le laxisme de la
politique pénale etc. Les remises en cause idéologiques de ces dérives
ne sont pas venues de la droite ou si peu ; elles viendront encore moins
de la gauche qui en est à l’origine. Plus que jamais la dépense publique est incantatoire et non point résolutoire.
Tout
aussi incantatoire et typique de ce social mal distribué qui exaspère
tant les Français est le retour à la gratuité totale de l’Aide médicale
des étrangers (en situation irrégulière), au moment où 7 millions de
salariés doivent rogner sur leurs dépenses de maladie ; en outre, cette
mesure ne pourra que relancer la pompe aspirante de l’immigration. Même
si le gouvernement ne dispose pas de la majorité des deux tiers au
Congrès pour réviser la Constitution pour le concrétiser, le projet du
droit de vote aux étrangers non européens aura le même effet.
Le mariage et le droit d’adoption homosexuels sont
annoncés sobrement mais clairement. L’évidence qu’ils revêtent dans
certains milieux libertaires dominants à gauche et dans les médias
contraste avec l’évidence contraire dans d’autres milieux, moins
homophobes que rétifs à une remise en cause radicale, sur un sujet
anthropologique fondamental, de l’héritage judéo-chrétien. Les
Etats-Unis sont quasi en guerre civile sur ce sujet. Il n’est pas sûr
que le gouvernement mesure à quel point ce projet, totalement étranger à
l’héritage de la gauche française, va diviser en profondeur le pays.
Mais là aussi, on est dans le monde des symboles : les socialistes sont, beaucoup plus que la droite, propres à manier les symboles politiques :
le mariage homosexuel , les 60 000 postes de l’Education nationale,
comme la baisse de la TVA sur le livre, le droite de vote des étrangers
et même la retraite à 60 ans ne sont pas des solutions à des problèmes
réels (comme peuvent l’être par exemple les 150 000 logements sociaux
promis), ce sont des symboles – dont certains coûteront cher.
Non
seulement ce gouvernement n’est porté, à la différence de celui de
1981, par aucun commencement d’espérance, mais même, confusément, il
fait peur. Parce qu’il ne résulte d’aucune évolution de l’opinion vers
la gauche, au contraire[1],
mais aussi parce qu’il semble terriblement déconnecté du réel : des
contraintes économiques et surtout des aspirations réelles des
Français. Les vicissitudes de l’histoire font que dans presque [2] tous
les domaines, - pédagogie, justice, lourdeur des dépenses publiques,
assistanat désordonné, immigration- intégration, c’est à des réformes
« de droite » que les Français aspirent. Sarkozy n’a été sanctionné que
pour ne les avoir pas faites, ou si mal. Ces réformes, le gouvernement
Ayrault leur tourne le dos. Comme disait le regretté Philippe Muray, « le réel est remis à une date ultérieure. »
[1]
Les résultats du premier tour des présidentielles montrent que la
droite a progressé depuis 2007. Les 2,1 millions de vote blancs du
second tour, venus en grande majorité de la droite, ont été fatals à la
réélection de Nicolas Sarkozy.
[2]
En matière de maintien des services publics, les Français aspirent au
contraire à une politique de gauche, quoique la gauche française n’ait
jamais été en reste pour les démanteler.
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