jeudi 21 juin 2012
Hollande, la victoire (trop) tranquille
Bien joué. François Hollande
a gagné sur toute la ligne. Les dieux sont avec lui. L'ampleur de sa
majorité parlementaire dépasse toutes ses espérances. Il pourra
gouverner seul, délivré de toutes ces chaînes qui auraient pu
l'encombrer : Mélenchon, Royal, et même Bayrou qui, à défaut de
suffrages, continue d'entendre des voix. Le pouvoir du nouveau président
est tentaculaire. Cette hégémonie tient du miracle. Car, enfin, que
valent réellement Hollande et sa majorité parlementaire ?
Soyons
généreux : 25 %, un quart de l'électorat, un Français sur quatre, si
l'on se réfère au premier tour de la présidentielle, miroir fidèle de
l'opinion, et si l'on prend en compte le taux exorbitant d'abstention
enregistré hier. Mais ainsi le veulent les institutions. Soyons juste :
il est arrivé à la droite de bénéficier de ces tours de passe-passe qui
créent la confusion entre la réalité et l'illusion. Et soyons élégant :
Hollande a su faire. Sa stratégie a été habile et sa campagne efficace.
Bref, qu'il ait été élu par défaut et que son pouvoir soit total, il
n'en est pas moins parfaitement légitime. Le pays ne voulait plus de
Sarkozy.
Tout annonçait cette
alternance. Les vents depuis longtemps n'étaient pas favorables à la
droite. Elle n'a pas su les contrecarrer. Le "peuple de droite" est
l'artisan principal de sa propre défaite. Il ne s'est même pas mobilisé
entre les deux tours des législatives. La majorité des abstentionnistes
d'hier sont venus de la droite. Le désaveu qu'elle vient d'infliger à
ses dirigeants tient pour une large part aux maladresses de ceux-ci,
maléfiquement exploitées par la gauche tout au long du quinquennat et
particulièrement au cours de la campagne. Le bilan de la politique de
Sarkozy ne valait pourtant pas une sanction d'une telle portée. Mais il a
été mal vendu, et pollué in fine par une inflexion stratégique qui a
ranimé le débat sur les "valeurs", terrain sur lequel la droite est
toujours perdante.
Le motif majeur de l'échec de la droite va
au-delà de cette explication. Il tient à une fatigue générale du pays,
qui ne lui est d'ailleurs pas particulière. A-t-on jamais connu campagne
plus terne, victoire plus mollement célébrée, défaite plus résignée ?
C'est bien le signe d'un désenchantement. On peut épiloguer à l'infini
là-dessus : la crise et l'inquiétude qu'il provoque, la défiance
vis-à-vis de la politique et des politiques, le déclin des idéologies,
etc.
Les causes sont multiples, mais l'effet est là : la
passion a déserté le pays. Sarkozy l'avait réveillée, son rêve a échoué.
Ce rêve, il l'a sans doute géré dans trop de tumultes, de désordre, de
violence. Il a traumatisé les Français. Hollande a habilement exploité
cette blessure. Il est apparu comme l'infirmier bienveillant qui
répandrait le baume sur la plaie, l'aide-soignant de la convalescence,
l'homme de la mesure, l'homme tranquille.
Mais
on a tort de parler de passion. Le mot est beau, mais il renvoie à
l'irrationnel. On fait mieux de dire : ambition. Or, quelle ambition a
été soulevée au cours de cette campagne, et sans laquelle un pays va
vers son déclin ? Ni ambition nationale, ni ambition de progrès, ni
ambition de liberté, ni ambition de réforme. La seule qui a été évoquée
est celle d'égalité, l'égalité que, pour faire moral, on appelle
justice. Elle est assurément très légitime, surtout par les temps qui
courent, mais elle est insuffisante si elle ne s'accompagne pas d'une
énergie qui permet de la réaliser. Or, le pays dans sa majorité a voté
sur des ressorts de conservatisme, par peur que ses maigres avantages
acquis pour les uns, ses privilèges et son confort pour les autres, ne
soient remis en cause par une politique volontariste.
François
Hollande a de bonnes intentions et il a une majorité. Mais il a fait
trop de promesses coûteuses à son électorat pour à la fois les tenir et
tirer le pays de sa frilosité. Élu pour sa modération, il se refusera à
prendre les risques sans lesquels il n'y a pas de progrès.
Au demeurant
en a-t-il les moyens ?
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