Le temps de décence est passé. Si, au lendemain du tsunami, il était prématuré, pour les Européens, de lancer à chaud une réflexion à haute voix sur leurs propres choix nucléaires, il est maintenant légitime de le faire. Quand l’inimaginable se produit sous nos yeux, comment ne pas s’interroger sur une stratégie énergétique qui engage non seulement notre pays mais aussi notre civilisation, bien au-delà des générations contemporaines ? Faudrait-il que nous soyons des autruches aveugles, ou des canards sauvages sans tête, pour ne pas vouloir regarder lucidement les risques de nos choix pour ceux à qui nous laisseront les clés de ce monde ?
Mais la peur est toujours mauvaise conseillère et le risque c’est le grand n’importe quoi intellectuel. L’émotion fait rarement de la bonne politique. Surgie de nulle part, ressuscitée d’entre les slogans morts, l’idée d’un référendum, démagogique en l’état, jette un voile obscurantiste sur la question. Dessous, pro-nucléaires béats et antinucléaires militants sont réunis, presque main dans la main, pour confisquer un cas de conscience qui dépasse largement l’alternative binaire du oui ou non. Une consultation électorale, précipitée en plus, reviendrait à jouer la planète à la roulette russe. Ce ne serait guère mieux que le quitte ou double permanent du lobby nucléaire, si sûr de lui et de ses précautions forcément infaillibles.
Nous ferions mieux de nous inspirer du sang-froid des Japonais dont nous saluons la dignité devant le danger. La décision des Suisses de suspendre leurs projets de renouvellement, les tests réclamés par les Autrichiens sur le parc nucléaire européen, le moratoire des Allemands sur le prolongement de la durée de vie de leurs installations, constituent des premiers pas concrets qui s’avéreront autrement plus efficaces – à court terme – que la relance d’un barnum politique à l’issue incertaine. Le sort réservé à l’Europe par le référendum de 2005 donne une idée de ce qu’une telle campagne peut réserver de désinformation générale, voire de bêtise tenant lieu de pensée.
En revanche, il est urgent de rendre aux citoyens la voix dont on les a privés sur la question énergétique… depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Un enjeu de dignité sur des options essentielles de son destin. Avant les urnes, cela passe par un respect de son intelligence et de son discernement. Une véritable transparence sur les informations concernant ce domaine nucléaire qui reste outrageusement top secret, où la sincérité de la communication officielle est proche de zéro. La prestation de la patronne d’Areva, hier soir sur France 2, était un de ces monuments d’arrogance et de ron-ron rassurants si habiles à confiner le libre arbitre des peuples dans des discours ouatés. Pour rompre avec ces méthodes infantilisantes, les gouvernants de ce monde auront-ils le courage de l’inconfort ? Celui de la vérité ?
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