TOUT EST DIT

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mercredi 26 octobre 2011

Le long chemin vers la démocratie

Il faut accepter la complexité de l'histoire. Au lendemain des élections tunisiennes et de la chute du régime Kadhafi en Libye, et à la veille des élections égyptiennes qui doivent se tenr le mois prochain, une leçon attendue s'impose : le Printemps arabe sera, pour partie au moins, islamiste.

Une évolution inévitable qui ne doit susciter de notre part ni complaisance excessive ni panique injustifiée. Face à des régimes despotiques et corrompus, la seule opposition organisée était celle des partis islamiques. Il est légitime qu'ils tirent aujourd'hui profit de leurs efforts d'hier.

L'arrivée au pouvoir, demain en Tunisie, d'un gouvernement de coalition derrière un parti islamique modéré n'est en rien surprenante ou choquante. Il y a vingt ans, la confiscation par l'armée algérienne du pouvoir au lendemain d'un premier tour des élections remportées par les Islamistes a conduit le pays à une guerre civile particulièrement brutale.

Les exemples de la Turquie et de l'Indonésie fournissent la preuve qu'il n'existe pas d'incompatibilité entre modernité et Islam, entre démocratie et Islam. L'exemple de l'Iran, à l'inverse, constitue un avertissement. Le pouvoir au nom de l'Islam peut conduire à tous les abus.

La question aujourd'hui pour la Tunisie, l'Égypte et la Libye et peut-être demain pour la Syrie est de savoir de quel modèle ces pays se rapprocheront : celui de la Turquie ou celui de l'Iran ?

Certes, il ne faut pas idéaliser l'exemple turc. De nombreux opposants au régime d'Erdogan en Turquie parlent d'une « poutinisation » du pouvoir, d'un « agenda caché » du régime, sans être tout à fait sûrs si son ambition est avant tout d'ordre religieuse ou nationaliste. Et pourtant une évolution du monde arabe vers le modèle turc constituerait déjà un progrès considérable.

En réalité, ni en Turquie, ni en Tunisie, ni en Égypte, ni moins encore en Libye, les partis Islamistes qui arriveront au pouvoir par un processus électoral libre, ne seront l'équivalent de ce que furent pour l'Europe les démocraties chrétiennes dans des pays comme l'Allemagne ou l'Italie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.

On ne passe pas brutalement du despotisme à la démocratie. La démocratie ne se décrète pas, elle s'apprivoise lentement et progressivement. Plus grande et plus longue a été la fermeture du pays sur lui même, plus folle et baroque a été la dictature en place, plus absente est la société civile ainsi que toute référence culturelle, plus difficile est le progrès vers la modernité et ce que nous considérons comme la normalité.

Sur ce plan, il est évident que le cas le plus inquiétant est celui de la Libye qui, toutes proportions gardées, a connu avec le régime Kadhafi l'équivalent de ce que fut le régime de Ceausescu pour la Roumanie. Les images de la chute finale du régime ont été à la hauteur de ce que fût son existence. Elles semblaient tirées du « moyen âge ».

Face à un processus révolutionnaire qui n'en est qu'à ses débuts, il nous faut faire preuve de patience, de bon sens historique, de compréhension culturelle, mais aussi bien sûr de vigilance. Tout n'est pas possible tout de suite, mais tout n'est pas non plus acceptable.

Dominique Moïsi est conseiller spécial à l'Ifri (Institut français des relations internationales).

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