La loi ne porte pas sur le voile intégral à proprement parler, et c’est heureux. Les dispositions qui entreront en vigueur lundi sont à la fois beaucoup plus larges, et beaucoup moins précises, puisqu’elles interdisent toute dissimulation du visage dans les lieux publics.
Si la prohibition, comme tous les interdits, n’est jamais qu’une solution ultime à laquelle il ne faut recourir qu’en dernier ressort, cette formulation législative pourrait convenir à tous les républicains de bonne foi. Personne ne peut vraiment en critiquer le principe et personne, non plus, ne peut en revendiquer la paternité puisque les termes finalement retenus par le Parlement sont bien plus modérés que ceux de la proposition initiale du secrétaire général de l’UMP, Jean-François Copé.
Comme ils l’avaient fait pour proscrire les signes religieux ostentatoires à l’école, en 2004, députés et sénateurs ont fait preuve, cette fois encore, d’une sagesse bienvenue en évitant de cibler exclusivement les intégristes islamistes. Une dimension qui a l’avantage de réunir un consensus assez large sur une question passionnelle particulièrement clivante.
Il n’y aura sans doute pas de petite guerre de la burqa ou du niqab. Le principal risque de cette nouvelle loi, c’est l’inutilité. Le voile intégral grillagé ne concerne presque aucune femme en France, et celui qui laisse passer uniquement le regard à travers une mince fente ouverte dans le tissu n’est porté que par... 2000 personnes dans notre pays. Etait-ce bien nécessaire de mettre l’opinion en émoi pour une réforme dont la nécessité absolue n’était pas évidente?
La faiblesse de cette nouvelle législation ne réside pas tant dans les atteintes à une liberté publique fondamentale (celle de se vêtir) que dans la probabilité élevée d’être largement inappliquée faute de pouvoir être applicable. Les policiers ont été parmi les premiers à exprimer leur embarras, et on peut les comprendre, sur la faisabilité des mesures votées: sujets à interprétation variable, les critères de cette illégalité vestimentaire restent relativement flous et compliquent d’autant plus la tâche de la police ou de la gendarmerie qu’elles n’auront pas le pouvoir de faire obtempérer les récalcitrants. En revanche, l’instauration de la nouvelle loi a toutes les chances de conforter des confusions islamophobes, contre le voile traditionnel, par exemple, parfaitement autorisé, pourtant.
Quelques dégâts psychologiques collatéraux sont à prévoir, le texte donnant le sentiment d’exagérer une menace qui n’en est pas une. Mais cette loi sera-t-elle seulement efficace? Rien n’est moins sûr... Pour le gouvernement, il s’agit avant tout de montrer sa fermeté sur un registre spectaculaire. Il n’est pas certain que cette attention compulsive et intéressée soit au diapason des attentes françaises pour 2012.
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