Les nouvelles autorités de la Côte d'Ivoire comptent sortir vivant l'ex-président de son bunker.
La spécialité de l'art militaire relative à la guerre de siège s'appelle la poliorcétique. Admettons qu'elle s'applique davantage à la prise d'une forteresse qu'à celle du bunker de Laurent Gbagbo. Mais dans ce cas précis, quelles seraient les conditions nécessaires pour amener l'ancien maître de la Côte d'Ivoire et ses derniers fidèles à résipiscence ? Depuis une semaine, l'ancien président ivoirien résiste aux forces de son successeur Alassane Ouattara dans un "bunker" de sa résidence du quartier de Cocody à Abidjan. Le 6 avril, les assaillants annonçaient "l'assaut final" contre le réduit, et affichaient à l'avance l'optimisme des vainqueurs : "On va sortir Laurent Gbagbo de son trou et le remettre à la disposition du président de la République", déclarait Sidiki Konaté, porte-parole de Guillaume Soro, Premier ministre d'Ouattara. Vantardise ! Car depuis cette date, rien n'a bougé. Il faut dire que, selon un officier français au fait de la situation sur le terrain, "les assaillants manquent de vaillance, et se replient au premier coup de feu..." Laurent Gbagbo refuse, quant à lui, de lâcher les ultimes apparences de son pouvoir défunt, et serait prêt, selon cet autre officier français qui l'a rencontré, "à se retrouver dans une posture de martyr, à terminer cette phase sans issue en se sacrifiant au nom de sa vision de la Côte d'Ivoire".
Mais tandis que la télévision aux mains d'Alassane Ouattara diffusait l'autre soir des extraits du film La chute sur les dernières heures d'Adolf Hitler, avant son suicide dans un bunker de Berlin, Laurent Gbagbo appelait au téléphone un journaliste français : "Moi, je ne suis pas un kamikaze, j'aime la vie. Ma voix n'est pas une voix de martyr. Je ne cherche pas la mort, mais si la mort arrive, elle arrive."
Carré de fidèles
La question qui tracasse aujourd'hui les nouvelles autorités de la Côte d'Ivoire consiste à faire sortir vivant Laurent Gbagbo de son trou, où il se terre sous la protection d'un carré de deux cents derniers fidèles, solidement armés et assez agressifs pour avoir récemment tenté des sorties en direction des résidences des ambassadeurs de France et du Japon. Avant d'être réprimés par les éléments français de la force Licorne. D'ailleurs, est-il vraiment utile de tenter de prendre par la force son réduit ? Tel n'est pas l'avis de plusieurs officiers français que nous avons consultés. À leurs yeux, il serait totalement contre-productif de lancer un assaut qui "coûterait inutilement des vies humaines", explique un officier du génie disposant d'une grande expérience opérationnelle. Mais il n'est pas question de coup de feu ou d'assaut à la baïonnette : "Si on me confie cette mission, les premières choses que je coupe à Gbagbo, c'est l'eau et l'électricité. Sans climatiseur, sans énergie, et sans eau, si sa résidence n'a pas de source autonome, lui et son dernier carré seront très mal..." Mais l'ex-chef d'État dispose sans doute de gros stocks d'armes et de munitions ? "Peu importe ! Ils tirent tous comme des ânes, avec des consommations énormes. Tout a une fin !" Et notre expert d'ajouter : "N'oubliez pas qu'ils vivent en milieu confiné, sans hygiène, dans la promiscuité, et qu'ils ont tous le Tribunal pénal international en tête. Je n'y suis pas, mais je vous garantis qu'il y a deux camps dans ce trou : celui des raisonnables qui veulent négocier. Et celui des allumés, sans doute dirigé par Simone Gbagbo, l'épouse de Laurent Gbagbo, qui se croient un destin divin !"
Pour tous nos interlocuteurs, Laurent Gabgbo "tombera comme un fruit mûr". Si d'aventure, hypothèse déraisonnable, un assaut était décidé (à quelles fins ?), il serait meurtrier et devrait être conduit par des troupes aguerries. Un spécialiste de la guerre urbaine évoque des "feux concentrés", une "décision rapide", une opération faisant appel à des blindés, de l'infanterie, du génie... Même si de tels moyens n'étaient pas mis en oeuvre, ce ne serait pas une mince affaire : il faudrait sans doute couper les communications radiotéléphoniques, conduire des approches par des tranchées, attaquer le bunker par ses voies d'aération, le tout sous la protection de mortiers, d'hélicoptères pour guider les feux et tirer éventuellement des missiles. Une solution dont personne ne veut... Il serait donc logique que les choses demeurent en l'état, Gbagbo et les siens "marinant dans leur jus", selon un officier général issu de l'arme du génie : "La température et la pression psychologique vont monter, et tout ça va tomber tout seul."
dimanche 10 avril 2011
Contre Gbagbo, une seule solution : la poliorcétique
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