TOUT EST DIT

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dimanche 30 janvier 2011

L'irrésistible affaiblissement du raïs

Le 27 mars 2010, le président Hosni Moubarak regagne enfin l'Egypte. Une opération chirurgicale subie à l'hôpital universitaire d'Heidelberg, en Allemagne, l'a tenu éloigné de son pays pendant trois semaines. Une hospitalisation rendue nécessaire officiellement par une intervention à la vésicule biliaire et l'ablation d'un polype.

Pendant ce retrait forcé, c'est le premier ministre égyptien, Ahmed Nazif, qui a été chargé de toutes ses prérogatives, le raïs ne s'étant jamais résigné à nommer un vice-président, poste pourtant prévu dans la Constitution égyptienne, peut-être de peur de faire émerger un dauphin potentiel. Ce 27 mars, la télévision égyptienne montre le président s'avancer, à pas prudents, au-devant des membres du gouvernement venus l'accueillir à l'aéroport de la station balnéaire de Charm el-Cheikh, au bord de la mer Rouge, où il passe de nouvelles semaines de convalescence, loin du Caire.

De la part d'un homme omniprésent dans l'esprit des Egyptiens depuis plus de trois décennies et dont le portrait est affiché sur de nombreux bâtiments publics, une telle absence ne peut que créer un choc diffus. D'autant qu'elle tranche avec l'activisme déployé par l'ancien directeur de l'Agence internationale de l'énergie atomique, Mohamed El-Baradei, un haut fonctionnaire international peu connu dans son pays, mais qui séduit les intellectuels, et qui ne cache plus de grandes ambitions politiques après un retour savamment orchestré, en février.

Cette concomitance ravive la machine à rumeurs égyptienne sur le devenir de ce raïs de 82 ans, qui a enchaîné sans discontinuer cinq mandats, alors qu'une nouvelle élection présidentielle est prévue pour l'automne 2011.

Le raïs, surnommé "La vache qui rit", sobriquet mi-ironique mi-affectueux, n'est plus le patron incontesté de la région depuis quelques années déjà. A deux reprises, lors de l'offensive d'Israël contre le Hezbollah libanais, à l'été 2006, puis pendant l'assaut donné par la même armée contre le Hamas palestinien retranché à Gaza, de décembre 2008 à janvier 2009, son silence lui a valu un tollé de la "rue numérique" arabe.

Fort du soutien ostensible de Nicolas Sarkozy - avec qui il partage la coprésidence d'une fantomatique Union pour la Méditerranée depuis juillet 2008 - et de Barack Obama - qui a choisi de prononcer au Caire son discours fondateur à l'attention du monde arabo-musulman -, le président Moubarak s'efforce toujours de jouer les arbitres impartiaux entre Palestiniens et Israéliens (dont il apprécie le premier ministre, Benyamin Nétanyahou, du Likoud).

Son chef des services de renseignements, Omar Souleiman, reste un infatigable médiateur entre les frères ennemis palestiniens du Fatah et du Hamas, mais le rôle de l'Egypte, fragilisée par l'inconnue de la succession, ne cesse de se réduire. Le président égyptien est bien présent à Washington, le 1er septembre 2010, aux côtés de M. Obama, de M. Nétanyahou, du roi de Jordanie, Abdallah II, et du président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à l'occasion de la relance de négociations directes entre Israéliens et Palestiniens.

Son fils Gamal est du voyage, ce qui est interprété comme une forme d'intronisation officieuse, même si ce dernier, au titre de ses fonctions au sein du Parti national démocratique (PND), a pu déjà rencontrer à Washington de hauts responsables américains. Les témoins présents le 1er septembre, tout comme les images, dépeignent cependant un raïs encore marqué par son hospitalisation du printemps.

De retour au Caire, il met la dernière main au verrouillage des élections législatives. Sous la pression des Etats-Unis, il s'était résigné à desserrer son étreinte cinq ans plus tôt, permettant aux Frères musulmans de remporter quatre-vingt-huit sièges. Il n'est alors plus question de telles libéralités.

Vagues d'arrestations, campagne d'intimidation : les résultats du premier tour, qui a vu l'élimination de tous les "frères" qui se sont présentés comme indépendants, convainquent l'opposition de boycotter le second. Au grand dam des Etats-Unis, qui plaident en sourdine pour la réforme et l'ouverture, le nouveau Parlement égyptien ressuscite le parti unique. Un triomphe de sombre présage. Une démonstration de force qui s'achève en terrible aveu de faiblesse.

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