Laurent Gbagbo ira donc jusqu’au bout. Le voilà prêt à braver le monde entier pour conserver le pouvoir coûte que coûte. Pour une raison simple: il n’a jamais imaginé devoir quitter son fauteuil présidentiel. S’il n’avait consenti à l’organisation d’élections, maintes fois repoussées, c’est parce qu’il était persuadé qu’il ne pouvait les perdre. Nombre de «sorciers blancs», ces conseils venus d’Europe, et même, pour certains, du PS français ne lui avaient-ils pas garanti un résultat favorable?
La défaite fut une surprise totale. Une incongruité qu’il ne pouvait accepter. C’est sans aucun complexe, avec un incroyable culot, qu’il l’a recyclée en victoire. Il n’a même pas pris la peine de truquer le scrutin ni de bourrer les urnes. Il a simplement inversé le score... avant d’endosser immédiatement les habits et les attributs du vainqueur.
En d’autres temps, cette audace désinvolte, aux apparences institutionnelles grotesques, aurait pu suffire. Cette fois - et ce fut une lueur pour l’idée même du respect de la démocratie - la plupart des diplomaties ont résisté au coup de force d’un personnage bien encombrant dont elles voudraient bien se débarrasser effectivement. Elles s’aperçoivent aujourd’hui des limites des pressions de l’introuvable «communauté internationale» sur un chef d’Etat bénéficiant du soutien de son armée et qui va utiliser l’arme du nationalisme sans aucun d’état d’âme.
En reconnaissant sans ambiguïté la victoire d’Allassane Ouattara et en intimant - au soir d’un conseil européen - à Gbagbo de laisser sa place, Nicolas Sarkozy a pris ses responsabilités, pourtant: il a pesé de tout son poids dans la balance. En vain. Un échec qui met en évidence la profondeur du divorce entre Paris et le régime ivoirien, depuis le coup de sang de Jacques Chirac. Il est bien loin le temps où le vieux sage Houphouët-Boigny gouvernait en prise directe avec l’Elysée...
On peine aujourd’hui à croire ce qui se passe sous nos yeux en 2010: Gbagbo préfère mettre son pays à feu et à sang, livrer la France à la vindicte de ses milices, défier le secrétaire général des Nations unies et partir en guerre contre les 10 000 hommes de l’ONU plutôt que de plier! Dans ce qui fut un des pays les plus prometteurs du continent africain, ce bras d’honneur tragique donne froidement le feu vert à une nouvelle guerre civile, aux exécutions sommaires, à l’arbitraire... Une descente aux enfers qui semblait avoir été stoppée. L’Histoire fait marche arrière et montre, si elle le devait encore, qu’elle n’a pas de sens.
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