TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

lundi 20 décembre 2010

Elle était la Grèce éternelle

L'académicienne, Jacqueline de Romilly, grande helléniste, est morte samedi à 97 ans. La passion des grands textes anciens et l’amour de la transmission ont habité toute son existence. 

Quand on demandait à la très vieille dame le secret de sa malice – malgré l’épreuve du grand âge et de la cécité – elle n’hésitait pas: "La passion, pardi!" Et l’on comprenait à la voix de Jacqueline de Romilly que rien n’avait changé depuis 1930, l’année où, pour la première fois, les jeunes filles eurent le droit de se présenter au concours général: Jacqueline David y reçut, à 17 ans, les prix de grec et de latin. Toute la presse en parla, y compris à l’étranger. Jacqueline de Romilly se plaisait même à dire qu’un journaliste débutant, Pierre Lazareff, avait, pour l’occasion, signé son premier article.
"La passion, pardi!": c’était celle de la Grèce ancienne, de la recherche, de l’enseignement et d’un historien du Ve siècle avant notre ère qu’elle admirait plus que tout: Thucydide, l’auteur de La Guerre du Péloponnèse. Elle en fit de 1953 à 1972 une traduction, restée de référence. Elle aimait sa sobriété, sa densité, son exactitude impassible, "cette espèce d’actualité perpétuelle et toujours renouvelée". Relatant l’affrontement d’Athènes et de Sparte, Thucydide donnait, selon elle, le plus bel exemple d’une démarche intellectuelle, littéraire et politique, où s’exprimait la quintessence du miracle athénien. Lorsqu’elle obtint, en 1973, une chaire au Collège de France – elle avait 60 ans – Jacqueline de Romilly ne manqua pas de lui rendre hommage choisissant comme intitulé: "La Grèce et la formation de la pensée morale et politique".
Première femme lauréate au Concours général, première femme professeur au Collège de France, première femme membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres (1975), deuxième femme élue à l’Académie française après Marguerite Yourcenar (1988), Jacqueline de Romilly a collectionné les réussites, tout en s’affirmant comme la meilleure représentante de l’hellénisme classique, respectée par ses adversaires novateurs, fussent-ils les plus critiques, notamment Jean-Pierre Vernant, avec qui, sur le tard, elle se réconcilia. Ils avaient en commun, au-delà de démarches intellectuelles opposées, leur amour du grec et la volonté de défendre l’enseignement des langues anciennes (L’Enseignement en détresse, 1983, Ecrits sur l’enseignement, 1991 ; Lettres aux parents sur les choix scolaires, 1994, etc.).

Un goût parfois féroce pour la polémique

Cette défense passionnée n’était pas celle des vieux ronchons. "Les grands textes grecs, confiait Jacqueline de Romilly, nous placent à la source de notre culture. En les lisant, on voit se former la pensée rationnelle, la raison et plus encore la réflexion, la finesse critique, l’art de penser la pensée elle-même. On voit naître la lumière et l’universel." Pour elle, la culture classique était une école de liberté: par les Anciens, rappelait-elle à temps et à contretemps, on apprend à s’exprimer, à manier les outils intellectuels, à maîtriser la confusion, à vaincre l’obscurité. Si ses succès universitaires et savants furent précoces et sa carrière brillante, Jacqueline de Romilly resta longtemps peu connue du grand public. Jusqu’à son élection à l’Académie, en effet, l’essentiel de son oeuvre se destinait aux chercheurs et aux érudits. Traduire Thucydide, comme elle le fit près de vingt ans, c’était se plonger au coeur de l’histoire et de la pensée grecque.
Une fois la traduction achevée, la route s’ouvrait pour la deuxième partie de son oeuvre, essentiellement vouée à la vulgarisation. En faisant aimer et connaître la civilisation grecque, Jacqueline de Romilly se battait pour la civilisation tout court. De La Grèce antique à la découverte de la liberté (1989) jusqu’à La Grandeur de l’homme au siècle de Périclès, paru en juin dernier aux éditions de Fallois, l’académicienne n’a cessé d’oeuvrer en pédagogue.
Son humour, sa fraîcheur, son goût parfois féroce de la polémique lui permirent de rencontrer le public en un temps où Bernard Pivot (Apostrophes) et Jacques Chancel (Radioscopies) connaissaient leurs grandes heures. Au-delà de la savante, on découvrit une amoureuse de la lumière, de la poésie et du grand air. Sur les chemins de Sainte-Victoire (1987) en est le plus beau témoignage.
Célèbre, ne boudant pas les médias, Jacqueline de Romilly n’en restait pas moins pudique. Née en 1913, elle grandit dans l’ombre de la Grande Guerre (son père Maxime David, professeur de philosophie, est mort pour la France). Elle sera, dès 1940, suspendue de ses enseignements à cause de ses origines juives. Divorcée de Michel Worms de Romilly en 1973 après trente-trois ans de mariage, elle ne confiera rien de ses interrogations ou de ses réflexions. "Patience, mon coeur", aimait-elle répéter à la manière des Grecs. Elle se gardera tout autant de mettre sur la place publique ses réflexions sur le judaïsme et le catholicisme vers lequel des années de méditation la conduisirent.
A une journaliste du Point, Jacqueline de Romilly confia en 1977: "La vieillesse est un terrible combat que l’on est sûr de perdre et que l’on s’obstine à mener […]. On peut avoir acquis des qualités de sagesse, de hauteur de vue, de courage moral, de stoïcisme (il faut bien se consoler avec des aspects positifs), mais on perd la vue, l’ouïe, la marche. Il n’y a pas de quoi se réjouir. Je reconnais cependant que j’ai toujours gardé mon humour et la capacité de rire des situations cocasses." C’est, pour reprendre le titre d’un de ses ouvrages, ce Sourire innombrable qu’elle vient de retrouver.



Jacqueline de Romilly: "Grande dame des lettres" (Fillon)

Dans un communiqué diffusé samedi, François Fillon a rendu hommage à Jacqueline de Romilly, décédée samedi, la qualifiant de "grande dame des lettres et de la culture". "Dans les cercles universitaires et les sociétés savantes où, à l'époque, les femmes étaient rares, elle s'est vite imposée comme une référence en matière d'humanités et de langues anciennes", a ajouté le Premier ministre.

1 commentaires:

Teuvo Vehkalahti a dit…

Oikein hyvää Joulua Sinulle. Näin blogien välityksellä on kiva tutustua muiden maiden kulttuuriin ja ihmisiin. Tule sinäkin katsomaan Teuvon kuvat blogi, ja kerro myös kaikille sinun kavereillesi, miksi kannattaa käydä katsomassa Teuvon kuvat blogi. Samalla saadaan teidän maanne lippu nousemaan korkeammalle minun blogissa. Jouluterveisin Teuvo Vehkalahti Finland