TOUT EST DIT

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lundi 20 décembre 2010

Jacqueline de Romilly, l'amour de la liberté

C'était une grande dame au franc-parler, libre et forte, humble et joyeuse, à l'humour débordant, à l'énergie indomptable, au courage bouleversant. Jacqueline de Romilly vient de nous quitter dans sa quatre-vingt-dix-huitième année. Avec elle, la démocratie humaniste perd sa plus ardente pédagogue ; les lettres classiques, leur plus grande avocate.

Femme de lettres, helléniste de renom, membre de l'Académie française, elle mit ses talents au service de l'humanisme et, à travers lui, de la civilisation européenne : « La Grèce ancienne n'est pas, pour nous, un modèle à retrouver ; ce qu'elle nous apporte est le principe premier, l'idéal à atteindre - en somme, l'élan qui peut aujourd'hui encore nous aider et nous unir », écrivait-elle dans l'un de ses derniers ouvrages (1).

Pour cela, il est nécessaire d'avoir une vive conscience des défis de notre époque. Surtout lorsque l'on songe aux orages du XXe siècle et à l'éclipse de la civilisation européenne sous le nazisme. Face à cela, l'Europe devait se reconstruire pour la paix en s'inspirant des valeurs et de l'idéal de la démocratie athénienne.

Les travaux de Jacqueline de Romilly ont permis de découvrir comment les Athéniens ont inventé la démocratie ainsi que la manière dont ils s'efforçaient d'en combattre les dérives : la démagogie, l'inculture, le soupçon, l'oubli du bien commun... La formation des citoyens et de la jeunesse à l'art de vivre en démocratie est donc primordiale. En cela, les Grecs anciens sont des maîtres inégalés.

L'humanisme, une conquête

Grâce à elle, nous avons redécouvert les grands textes grecs, redevenus accessibles à tous. Mais, dans le même temps, l'enseignement du grec ancien disparaissait de plus en plus des écoles ! Les jeunes générations sont donc, aujourd'hui, de plus en plus coupées des racines de la culture européenne.

C'est regrettable à l'âge où se forge le jugement. C'est en contradiction avec les besoins de notre époque. En particulier avec la nécessité de comprendre le sens des règles communes indispensables en démocratie pour vivre ensemble dans le respect mutuel.

C'est aussi d'une grande inconscience. L'humanisme et la liberté ne sont-ils pas une conquête de chaque génération ? Par quoi seront donc remplacées ces digues, si patiemment construites au long des siècles, pour lutter contre l'inculture, la violence et la barbarie ? Chaque génération ne doit-elle pas avoir l'humilité d'apprendre des générations précédentes pour redécouvrir les fondements de la démocratie ?

Jacqueline de Romilly était l'amie de la jeunesse, l'amie des humbles. Elle évita l'expulsion d'une jeune fille tchétchène et de sa famille. Lorsque des incendies ravagèrent la Grèce, elle lança une vaste souscription, « Un arbre pour la Grèce », afin de tisser des liens d'amitié entre les citoyens européens.

Jacqueline de Romilly était une amie d'Ouest-France et de ses lecteurs. Elle nous fit l'honneur de parrainer, avec l'association L'élan citoyen, les « appels à témoignages » de jeunes personnes racontant un beau geste de la vie quotidienne. Et, pendant une année elle collabora à dimanche ouest-france, faisant découvrir, semaine après semaine, les trésors des textes antiques.

Une grande voix s'est éteinte. Nous lui disons merci et lui rendons un dernier hommage.



(1) L'élan démocratique dans l'Athènes ancienne, Éditions de Fallois.

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