TOUT EST DIT

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jeudi 4 novembre 2010

Zone euro : la crise n'aura pas été inutile

L'intégration européenne avance par crises successives. L'euro n'est-il pas l'enfant de la crise du mécanisme de change européen, au début des années 1990 ? La crise de 2009-2010 ne fera pas exception : la zone euro pourrait bien en sortir avec des politiques macroéconomiques mieux intégrées et un mécanisme permanent de résolution des crises, scellant une forme de solidarité entre Etats membres.

Le Conseil européen des 28-29 octobre a endossé les recommandations du groupe de travail Van Rompuy sur la gouvernance économique dans la zone euro, lesquelles tiennent en cinq points : le renforcement des sanctions en cas d'indiscipline budgétaire ; l'élargissement de la surveillance à toutes les politiques économiques ; une meilleure coordination des politiques budgétaires au cours d'un « semestre européen » précédant le vote des budgets par les Parlements nationaux ; un mécanisme permanent de résolution des crises et un renforcement des institutions et dispositifs en charge de dresser les comptes, réaliser les prévisions et décider des politiques économiques.

Ainsi, c'est vers plus d'intégration, et non vers l'éclatement pronostiqué par certains, que se dirigent les partenaires européens, avec à la clef un certain abandon de souveraineté, puisque les politiques économiques seront coordonnées au niveau communautaire en amont de leur vote au niveau national, puisque la Commission pourra réaliser des missions d'audit in situ dans tel Etat membre indiscipliné, et parce que toute aide financière sera soumise à des conditions strictes en termes de politique d'ajustement, comme c'est le cas aujourd'hui en Grèce.

Le Conseil, tiré par le couple franco-allemand, a décidé d'aller beaucoup plus loin que les suggestions de la Commission européenne, avec deux propositions particulièrement notables qui, parce qu'elles touchent à la règle de « non-renflouement » mutuel des Etats membres nécessitent un changement du traité : la pérennisation du Fonds européen de stabilisation financière (FESF), et une procédure de restructuration de dette impliquant le secteur privé. La pérennisation du Fonds est une alternative à l'émission d'obligations européennes : c'est créer une institution pouvant émettre de la dette, avec la garantie de tous les pays y participant. La « qualité » ou notation de cette dette dépendra de la qualité des Etats participants et, de facto, ce sera une dette « zone euro », assise sur la qualité collective des politiques budgétaires des Etats de la zone. Le Fonds concrétise aussi la possibilité que se donnent les Etats de la zone euro de s'ingérer dans les finances de leurs partenaires. Un pays recourant au FESF devrait se soumettre à un programme de stabilisation décidé en accord avec ses partenaires de la zone euro.

De même, la restructuration éventuelle de la dette souveraine d'un Etat membre implique à la fois une solidarité nouvelle (puisque le FESF, donc les partenaires européens, ne recouvreraient pas l'intégralité de leurs créances) et une perte temporaire de souveraineté - seul un pays sous « programme » FESF pouvant de facto y avoir recours, pour des raisons compréhensibles de crédibilité, notamment afin de maintenir son accès aux financements privés.

L'enjeu est maintenant de savoir si les modifications nécessaires du traité seront suffisamment limitées pour une procédure de ratification rapide, c'est-à-dire avant l'expiration de l'actuel Fonds de stabilisation, mi-2013. Les autres changements envisagés dans la gouvernance européenne ne nécessitent pas de modification du traité et pourront donc voir le jour plus rapidement : début 2011 pour le semestre européen et vraisemblablement l'année suivante pour les autres dispositions, après un vote du Parlement européen à l'été 2011.

Parmi ces dispositions, la mise en place de comités budgétaires indépendants au niveau des Etats membres, que nous avions appelée de nos voeux dans ces colonnes, sera encouragée mais sans doute pas rendue obligatoire. Les Etats membres seraient pourtant bien inspirés de réfléchir à des dispositifs favorisant les débats au niveau national afin que Bruxelles ne devienne pas une fois de plus le bouc émissaire des plans d'ajustement à venir.


Agnès Bénassy-Quéré est directrice du Cepii ; Laurence Boone est chef économiste France de Barclays Capital.

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