Par une étrange ironie de l'histoire-géographie, c'est à un Sarthois, François Fillon, qu'échoit la mission d'effacer de notre paysage fiscal ce baroque impôt sur la fortune qui y fut introduit, voici un siècle, par un autre Sarthois, Joseph Caillaux, alors ministre des Finances du cabinet Doumergue. Presque parvenu à son terme, le projet du radical Caillaux fut l'une des premières victimes de la Grande Guerre, mais c'est bien la même idée qui devait ressurgir une première fois, sans succès, dans les années 1970, puis, avec la réussite qu'on lui connaît, dans le programme de François Mitterrand en 1981. En annonçant, mardi soir, son intention de supprimer dès 2011 l'ISF sous sa forme actuelle, Nicolas Sarkozy ne met pas seulement fin à une mésaventure fiscale trentenaire, interrompue deux ans seulement, de 1986 à 1988, par une audace chiraquienne. Il rompt avec cette vieille tradition politique qui consiste à condamner la possession d'un patrimoine comme une offense à la passion française de l'égalité. Le président, auquel on ne prête pas toujours cette vertu, manoeuvre en l'occurrence avec habileté. D'abord en sacrifiant son « bouclier fiscal ». C'était sa fierté, sa manière de ne rien céder à la gauche, il a su en faire le cheval de Troie destiné à faire tomber la forteresse de l'ISF. Un petit mal pour un grand bien. L'autre habileté est de proposer une réforme qui, si elle ne flatte pas l'égalitarisme, est conforme à l'équité. Imposer le revenu du patrimoine est, en effet, un principe plus consensuel que celui consistant à taxer le stock de capital. Car, pour un contribuable, être propriétaire d'une résidence principale n'accroît en rien sa capacité contributive. Après que tant d'autres y ont renoncé, la France était d'ailleurs le dernier pays européen à taxer, au niveau national, le patrimoine du seul fait de sa détention. Politiquement, transformer un impôt sur le capital en impôt sur le revenu était sans doute la seule voie possible. Economiquement, le risque est de ne pas faire mieux que déplacer le problème -le symbole de l'ISF en moins. Dans un marché de l'épargne aussi ouvert, la question reste, en effet, celle de l'attractivité de la taxation globale du capital. Or, la France affiche déjà des taux faciaux de prélèvement sur les produits du capital parmi les plus élevés et les plus dynamiques d'Europe. Aussi, le gouvernement serait-il bien inspiré de se contenter d'abroger quelques niches, dont la plus visible est l'exonération des plus-values sur la résidence principale, ou de revoir son approche de la transmission des patrimoines. Et, pour le reste, de financer le solde de l'abolition de l'ISF par des économies dans la dépense publique.
jeudi 18 novembre 2010
Supprimer l'ISF, tout simplement
Par une étrange ironie de l'histoire-géographie, c'est à un Sarthois, François Fillon, qu'échoit la mission d'effacer de notre paysage fiscal ce baroque impôt sur la fortune qui y fut introduit, voici un siècle, par un autre Sarthois, Joseph Caillaux, alors ministre des Finances du cabinet Doumergue. Presque parvenu à son terme, le projet du radical Caillaux fut l'une des premières victimes de la Grande Guerre, mais c'est bien la même idée qui devait ressurgir une première fois, sans succès, dans les années 1970, puis, avec la réussite qu'on lui connaît, dans le programme de François Mitterrand en 1981. En annonçant, mardi soir, son intention de supprimer dès 2011 l'ISF sous sa forme actuelle, Nicolas Sarkozy ne met pas seulement fin à une mésaventure fiscale trentenaire, interrompue deux ans seulement, de 1986 à 1988, par une audace chiraquienne. Il rompt avec cette vieille tradition politique qui consiste à condamner la possession d'un patrimoine comme une offense à la passion française de l'égalité. Le président, auquel on ne prête pas toujours cette vertu, manoeuvre en l'occurrence avec habileté. D'abord en sacrifiant son « bouclier fiscal ». C'était sa fierté, sa manière de ne rien céder à la gauche, il a su en faire le cheval de Troie destiné à faire tomber la forteresse de l'ISF. Un petit mal pour un grand bien. L'autre habileté est de proposer une réforme qui, si elle ne flatte pas l'égalitarisme, est conforme à l'équité. Imposer le revenu du patrimoine est, en effet, un principe plus consensuel que celui consistant à taxer le stock de capital. Car, pour un contribuable, être propriétaire d'une résidence principale n'accroît en rien sa capacité contributive. Après que tant d'autres y ont renoncé, la France était d'ailleurs le dernier pays européen à taxer, au niveau national, le patrimoine du seul fait de sa détention. Politiquement, transformer un impôt sur le capital en impôt sur le revenu était sans doute la seule voie possible. Economiquement, le risque est de ne pas faire mieux que déplacer le problème -le symbole de l'ISF en moins. Dans un marché de l'épargne aussi ouvert, la question reste, en effet, celle de l'attractivité de la taxation globale du capital. Or, la France affiche déjà des taux faciaux de prélèvement sur les produits du capital parmi les plus élevés et les plus dynamiques d'Europe. Aussi, le gouvernement serait-il bien inspiré de se contenter d'abroger quelques niches, dont la plus visible est l'exonération des plus-values sur la résidence principale, ou de revoir son approche de la transmission des patrimoines. Et, pour le reste, de financer le solde de l'abolition de l'ISF par des économies dans la dépense publique.
Par une étrange ironie de l'histoire-géographie, c'est à un Sarthois, François Fillon, qu'échoit la mission d'effacer de notre paysage fiscal ce baroque impôt sur la fortune qui y fut introduit, voici un siècle, par un autre Sarthois, Joseph Caillaux, alors ministre des Finances du cabinet Doumergue. Presque parvenu à son terme, le projet du radical Caillaux fut l'une des premières victimes de la Grande Guerre, mais c'est bien la même idée qui devait ressurgir une première fois, sans succès, dans les années 1970, puis, avec la réussite qu'on lui connaît, dans le programme de François Mitterrand en 1981. En annonçant, mardi soir, son intention de supprimer dès 2011 l'ISF sous sa forme actuelle, Nicolas Sarkozy ne met pas seulement fin à une mésaventure fiscale trentenaire, interrompue deux ans seulement, de 1986 à 1988, par une audace chiraquienne. Il rompt avec cette vieille tradition politique qui consiste à condamner la possession d'un patrimoine comme une offense à la passion française de l'égalité. Le président, auquel on ne prête pas toujours cette vertu, manoeuvre en l'occurrence avec habileté. D'abord en sacrifiant son « bouclier fiscal ». C'était sa fierté, sa manière de ne rien céder à la gauche, il a su en faire le cheval de Troie destiné à faire tomber la forteresse de l'ISF. Un petit mal pour un grand bien. L'autre habileté est de proposer une réforme qui, si elle ne flatte pas l'égalitarisme, est conforme à l'équité. Imposer le revenu du patrimoine est, en effet, un principe plus consensuel que celui consistant à taxer le stock de capital. Car, pour un contribuable, être propriétaire d'une résidence principale n'accroît en rien sa capacité contributive. Après que tant d'autres y ont renoncé, la France était d'ailleurs le dernier pays européen à taxer, au niveau national, le patrimoine du seul fait de sa détention. Politiquement, transformer un impôt sur le capital en impôt sur le revenu était sans doute la seule voie possible. Economiquement, le risque est de ne pas faire mieux que déplacer le problème -le symbole de l'ISF en moins. Dans un marché de l'épargne aussi ouvert, la question reste, en effet, celle de l'attractivité de la taxation globale du capital. Or, la France affiche déjà des taux faciaux de prélèvement sur les produits du capital parmi les plus élevés et les plus dynamiques d'Europe. Aussi, le gouvernement serait-il bien inspiré de se contenter d'abroger quelques niches, dont la plus visible est l'exonération des plus-values sur la résidence principale, ou de revoir son approche de la transmission des patrimoines. Et, pour le reste, de financer le solde de l'abolition de l'ISF par des économies dans la dépense publique.
L'ISF n'est pas remplaçable sans dommage ? Voilà une bonne raison de ne pas le remplacer, mais de le supprimer.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire