TOUT EST DIT

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jeudi 7 octobre 2010

Etes-vous keynésien ou ricardien ?

La reprise est lente en Europe. Elle est hétérogène, on le sait, quand on compare la Grèce ou l'Irlande à l'Allemagne. Elle est concurrentielle, on le voit partout, au sein de l'Europe et plus encore avec la politique américaine. Elle est contradictoire, puisque les ajustements budgétaires requis freinent la demande à court terme, avec la promesse de moindres déséquilibres futurs.
En France, seule cette question alimente les débats -comme si c'était la plus importante. Ici, l'opposition entre court terme et long terme met, face à un soutien « keynésien » à la demande, une logique « ricardienne » de réduction des déficits. Pour les « ricardiens », les engagements d'économie budgétaire par réduction de dépenses tranquillisent les ménages. Au lieu d'augmenter leur épargne pour payer encore plus d'impôts, ils ne surépargneront pas. Ces mêmes « ricardiens » ajoutent que la thèse dite keynésienne n'est pas sûre, puisque le rapport entre revenu et consommation n'est pas stable. Preuve que les ménages sont inquiets et doivent être tranquillisés. Preuve qu'il faut réduire le déficit, au grand dam de nos keynésiens français.
Mais le monde ne voit pas les choses ainsi. Il voit plutôt la concurrence pour le leadership entre Etats-Unis et Chine, chacun cherchant « sa » sortie de crise. La Chine sait qu'elle doit rééquilibrer sa croissance par la demande interne, mais elle joue la montre. Elle veut continuer sa lancée exportatrice, avec un yuan sous-évalué. Les Américains peuvent critiquer son mercantilisme et la menacer de représailles, mais c'est risqué -car de nature à alerter les marchés sur une guerre commerciale entre les deux grands. Le plus sûr moyen pour réussir est plutôt d'inquiéter tout le monde sur un danger déflationniste, dans la lignée de Fischer.
Ben Bernake reparle alors de « quantitative easing » (QE), autrement dit de soutenir le logement et l'économie américaine en achetant des titres, sans dire précisément lesquels, ni combien ni quand. L'astuce est qu'il fait immédiatement baisser le dollar sans en parler, il n'en a d'ailleurs pas le droit. Les marchés financiers comprennent immédiatement que le déficit budgétaire américain va continuer, que le QE va créer plus de titres, titres vendus en interne et en externe, externe qui va faire baisser le dollar, baisse du dollar qui va importer de l'inflation, inflation qui va faire monter les taux longs, montée qui va déprécier la dette passée, le tout au nom de la volonté de tuer l'immonde bête déflationniste ! Imparable.
La morale économique est sauve… sauf que ceci revient à demander aux mercantilistes chinois d'acheter aux keynésiens américains des titres qui vont se déprécier avec la baisse du dollar et la montée des taux longs ! L'euthanasie des rentiers de Keynes devient celle des Chinois. Mais à la différence des rentiers de Keynes, victimes de l'illusion nominale, nos Chinois sont au courant. Ils résistent et vont monnayer l'appréciation du Yuan -en achetant de la technologie US ou des positions stratégiques.
Entre-temps, l'Europe se trouve avec moins de croissance « spontanée » et un euro qui monte, effet de la « solution » au jeu Etats-Unis/Chine. Elle connaît de nouvelles tensions, avec l'Irlande, l'Espagne et le Portugal aux premières loges, et non plus la Grèce. La pression monte sur la Banque centrale européenne, pour qu'elle intervienne. Ceci menace son indépendance, autrement dit le système de coordinations et de hiérarchies qui « tient » la zone euro. Demander une baisse de l'euro n'a aucune chance de marcher, car il nous faut vendre (entre autres) de la dette irlandaise, espagnole ou grecque. Et pourquoi donc l'Allemagne accepterait de vendre à moindre prix ses Porsche !
La question européenne n'est donc pas Keynes -consommation contre Ricardo -rigueur, ni mercantilistes chinois contre un Fischer utilisé par la Fed, mais comment ne pas être la variable d'ajustement des deux leaders mondiaux, Chine et Etats-Unis. Notre solution est double : gouvernance budgétaire plus stricte d'un côté, innovation à la Schumpeter de l'autre, autrement dit réduction du déficit budgétaire structurel et hausse de l'investissement privé. Nous devons aller vers des modes de décision plus lisibles, plus modernes, avec des comités restreints (à la Blinder) pour moins dépenser au niveau public, mieux au niveau privé, et dire cette stratégie. Avant qu'une zone monétaire devienne « optimale » à la Mundell, encore faut-il qu'elle résiste.

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