TOUT EST DIT

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jeudi 7 octobre 2010

Dominique Strauss-Kahn redoute "une guerre des monnaies"

La lente amélioration de la conjoncture mondiale ne rassure pas Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Il déplore l'affaiblissement de la solidarité internationale en matière de monnaies et la lenteur des réformes du secteur financier.

Comment se porte l'économie mondiale ?

Dominique Strauss-Kahn : Elle se porte mieux, mais demeure fragile. La croissance est forte en Asie et en Amérique du Sud, assez forte en Afrique, où elle ne connaîtra pas le classique décalage d'un an sur la reprise mondiale – elle y atteindra 5% en 2010 et plus encore en 2011. En revanche, elle est incertaine aux Etats-Unis et molle en Europe. Au FMI, nous n'accordons qu'une faible probabilité au scénario d'une rechute, nous croyons plutôt à une courbe de croissance mondiale modérée, sur laquelle pèsent trois risques sérieux.

Le premier est celui d'une croissance sans emploi. Dans certains pays, elle pourrait ne pas être suffisante pour faire reculer le chômage. Dans d'autres, elle sera significative, mais les gains de productivité bloqueront la création d'emplois. C'est grave parce que, comme le FMI et l'Organisation internationale du travail (OIT) l'ont mis en lumière ensemble, la crise a fait disparaître 30 millions d'emplois alors même que 450 millions de jeunes vont arriver sur le marché mondial du travail dans les dix ans qui viennent.

Et la dette ?

C'est le deuxième risque, celui que fait peser la dette publique. Contrairement à ce que pensent beaucoup, sa croissance n'est pas due aux plans de soutien à l'économie mis en place pour empêcher l'effondrement de la demande. Nous avons calculé que, de 2008 à 2014, la dette publique moyenne rapportée au produit intérieur brut (PIB) passera de 80% à 120% pour les économies avancées. Ces 40 points supplémentaires sont imputables seulement pour un dixième aux plans de relance. L'essentiel de la dégradation a été causé par la récession qui a contracté le PIB, par la chute des recettes fiscales et par le coût des restructurations bancaires. Pour retrouver un équilibre de moyen terme, nous préconisons une baisse du déficit d'environ un point de PIB en moyenne à partir de 2011.

Par ailleurs, dans le domaine financier, il ne faut pas oublier le secteur privé, qui est à l'origine de la catastrophe que nous venons de vivre. Un premier pilier a été érigé pour le réglementer : les accords dits de Bâle III, mais ces règles ne serviront à rien si elles ne sont pas appliquées.

Enfin, le capitalisme connaît des crises récurrentes. Il faut donc prévoir partout des systèmes de résolution des crises comparables au Fonds de stabilité européen créé à l'occasion de la crise grecque.

Réglementation, supervision, résolution des crises, voila les trois domaines où il faut que les choses changent. Pour les deux derniers, beaucoup reste à faire.

Le troisième risque qui pèse sur la croissance, c'est la croyance de plus en plus évidente de chaque gouvernement qu'il peut se débrouiller seul. Or nous avons calculé que la croissance mondiale gagnerait 2,5 points, que 30 millions d'emplois supplémentaires seraient créés et que 33 millions de personnes sortiraient de l'extrême pauvreté si les gouvernements procédaient à des choix mieux concertés. L'une des avancées de la crise était d'avoir contraint les gouvernements à aller dans ce sens. Cette solidarité était forte aux sommets du G20 de Londres et de Pittsburgh (Pennsylvanie), un peu moins à Toronto (Canada).

Je crains qu'avec l'amélioration de la conjoncture, la tentation de solutions nationales se fasse plus forte, notamment en matière de monnaies. On l'a vu avec l'intervention japonaise pour faire baisser le yen, avec les alarmes brésiliennes face à la montée du réal. Je prends très au sérieux la menace d'une guerre des monnaies, même larvée, il faut l'éviter, le FMI fera des propositions en ce sens.

Que vous inspirent les sondages qui vous créditent d'une forte popularité en cas de candidature à l'élection présidentielle française de 2012 ?

Evidemment, cela me fait plaisir ! Cela montre que les Français ne m'oublient pas ; je ne les oublie pas non plus. Mais j'ai trop d'expérience pour ne pas regarder ces sondages avec prudence. Aux journalistes norvégiens, brésiliens, allemands ou français qui ne cessent de me poser la question, je réponds que je suis concentré sur mon mandat.

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