TOUT EST DIT

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jeudi 7 octobre 2010



Sur le fil du rasoir



La multiplication des appels à des grèves reconductibles, et parfois illimitées, contre la réforme des retraites, ne doit être ni surestimée ni sous-estimée. Elle témoigne d'un vrai mouvement vers la radicalisation de la mobilisation, notamment dans le secteur public des transports, l'acteur majeur des grands mouvements sociaux de ces vingt dernières années.
Pour autant, ce durcissement, localisé et partiel, n'est pas encore l'illustration d'un choc massif et frontal avec le gouvernement. Si les mots ont un sens - et, à la CGT comme à la CFDT, ils l'ont - grève reconductible ne rime pas toujours avec grève illimitée, conflits localisés ne sont pas affrontement généralisé. Le vrai test de la radicalisation aura lieu à partir du 12 octobre, sans doute pas avant.

Quoi qu'il en soit, le mouvement syndical avance maintenant sur le fil du rasoir, entre volonté manifeste de montrer ses muscles pour peser sur le débat au Sénat et démonstration de force plus ou moins contrôlée d'une base stimulée par les ultras de tous bords.

Il n'est sans doute plus temps de refaire le film d'une concertation bâclée - contrairement à 2003 - et des atermoiements du gouvernement. De ses ratés, surtout, dans le traitement des inégalités du projet de réforme. Il est simplement temps de désamorcer une possible radicalisation dont personne ne peut, a priori, être sûr de sortir gagnant.

Le mouvement syndical court trois risques patents. Le danger de l'échec pur et simple est loin d'être négligeable. À l'heure du chômage massif, du pouvoir d'achat contraint et des emplois précaires, les salariés sont-ils prêts à se lancer dans un mouvement coûteux et au résultat incertain ? Les cheminots CGT eux-mêmes ne sont pas les plus mal placés pour mesurer ce risque. Pour la première fois depuis longtemps, Ils ont goûté, en avril, à la désillusion de l'échec revendicatif au terme d'une grève de quinze jours contre la réforme du fret. Leur habituelle ardeur combative pourrait s'en trouver singulièrement refrénée, face à un projet qui, plus est, ne les concerne pas directement : leur régime « spécial » a déjà été modifié en 2007.

Le risque de l'éclatement syndical entre réformistes pur jus et radicaux assumés, réalistes et jusqu'auboutistes, n'est pas non plus absent. Même si les grandes organisations y réfléchiront à deux fois avant de rompre une unité intersyndicale qui est le vrai ciment du mouvement. Autant l'attelage CFDT-CGT paraît relativement solide au sommet, conscient d'être le garant d'une action efficace dans la durée, autant il pourrait être mis à mal à la base dans les entreprises (chimie, énergie) où se maintient une frange cégétiste radicale encore forte, prête à rallier le front hétéroclite du refus formé par Sud, la FSU, FO et le NPA.

L'ultime péril, le plus incontrôlable, réside naturellement dans les possibles débordements inhérents à toute radicalisation. Personne ne sait qui serait le gagnant du scénario du pire,par définition celui de l'irrationnel.

On n'en est pas là. On est à la case Sénat. Et c'est peu dire que le travail de déminage des sages du Palais de Luxembourg n'est pas simplement utile. Il est urgent et nécessaire.

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