TOUT EST DIT

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mercredi 8 septembre 2010

Vraies et fausses injustices

Agglomérat de la France immuable et de la France active, de manifestants professionnels et d'adversaires sincères, agrégat de révoltés et de réformistes, de fonctionnaires protégés et de galériens du travail, de jeunes retraités et de futurs pensionnés, le peuple aux cent visages qui a défilé en masse hier dans nos villes a exprimé une conviction commune dont il serait vain de nier qu'elle est assez partagée : c'est une réforme des retraites injuste qu'examinent les députés. Une injustice présumée pour quatre raisons.

La première, la plus large, est qu'avant la fin de la décennie nous devrons en règle générale travailler deux ans de plus, jusqu'à 62 ans, avant de faire valoir nos droits à la retraite. Deux années supplémentaires qui sont pourtant loin de compenser les sept années d'espérance de vie gagnées par les hommes depuis 1983 - l'an I de la retraite à 60 ans. Et qui nous laissera à distance de la borne des 63 ans en vigueur en Allemagne, pays certes en moins bonne santé démographique mais en meilleur état financier. Insupportable, vraiment ?

La deuxième injustice invoquée viendrait de ce qu'il faudra attendre 67 ans au lieu de 65 ans pour toucher sa retraite sans décote - et non pas au taux plein comme le soutient à tort Martine Aubry. Voilà qui pénaliserait des salariés aux carrières hachées ? Sans doute. Mais aussi des femmes qui ont choisi depuis longtemps de ne pas travailler et surtout des cadres, entrés tard dans la vie professionnelle. Curieuse inéquité.

L'absence d'un droit à la retraite dès 60 ans pour avoir exercé un métier pénible serait constitutif d'une troisième injustice. Cependant, aucun pays de l'OCDE ne « répare » la pénibilité en donnant une retraite, mais en indemnisant l'invalidité. En distillant ce droit nouveau, la France sera pionnière. Drôle d'iniquité. La réforme, enfin, serait cruelle car financée par des mesures d'âge plutôt que par des prélèvements financiers. Mais même s'il porte le poids de la crise, le déséquilibre des retraites reste pour l'essentiel d'origine démographique.

La véritable injustice est de prétendre sauver les retraites en relevant massivement les charges salariales et les impôts. Car, à ce jeu-là, les plus riches s'en sortent toujours le mieux, tandis que souffrent les classes moyennes et les plus jeunes, premières victimes de cette fabrique à chômeurs. La véritable injustice est de faire miroiter le retour aux 60 ans, droit que le PS lui-même rend fictif lorsqu'il se résout à allonger la durée de cotisation. Car c'est tromper l'électeur. L'injustice n'est pas forcément là où le pensent les manifestants.


JFP

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