Peu importe la bataille des chiffres : hier, la rue a gagné. Même les statistiques du ministère de l'Intérieur qui, traditionnellement, minimisent le nombre de manifestants - c'est de bonne guerre - l'ont implicitement reconnu. Le scepticisme à l'égard de la réforme gouvernementale l'emporte peu à peu sur le réalisme qui avait fait une croix sur la retraite à 60 ans. Mais après ? Que peuvent faire les syndicats de cette victoire qui parachève le retournement de l'opinion ?
Ce matin, nous sommes revenus à la case départ. Pas vraiment surpris, l'Élysée tend le dos. Par son silence, tout à fait prévisible lui aussi, Nicolas Sarkozy fait clairement comprendre qu'il ne bougera pas d'un millimètre sur le socle essentiel du texte, l'âge de départ. Son plan se déroule comme il l'a envisagé. Aujourd'hui, il va promettre des « avancées » sur la pénibilité, les longues carrières et les polypensionnés, espérant ainsi apporter la démonstration de sa sensibilité sociale.
C'est précisément l'efficacité de cette condescendance programmée qui fera, ou non, la différence. Pèsera-t-elle suffisamment pour contrer l'effet psychologique des images de ce mardi protestataire ? La seule inconnue de la grève d'hier est bien là. Parce que la mobilisation du 7 septembre est bien plus importante que celle du 24 juin, elle légitime d'éventuelles prolongations et valide l'hypothèse d'une nouvelle journée d'action, peut-être dès la mi-septembre prochain. Sera-ce l'ultime rendez-vous ? Le chant du cygne d'une contestation érodée par les concessions du pouvoir, une simple carte dans le jeu social, ou un stimulant pour aller encore plus loin ?
Les syndicats, eux, qui ne croyaient plus pouvoir infléchir significativement la politique gouvernementale, ne partent plus battus d'avance. De son côté, le président de la République ne dispose plus que d'une marge de manœuvre réduite : impossible de renoncer, impensable de passer en force.
Classique, ce scénario dans lequel le rapport de forces s'équilibre révèle aussi... un échec pour toute la société française. L'urgent dossier des retraites est une nouvelle fois confisqué par les tabous, les postures et la démagogie. En jurant de revenir à la retraite à 60 ans si la gauche l'emporte en 2012, le PS de Martine Aubry y cède lui aussi, et se lie les mains pour le futur. Quant au spectacle des premiers échanges à l'Assemblée, il a laissé l'impression d'un étrange décalage avec le réel.
Bâclé, le grand débat est piégé par un dialogue social étriqué, trop contraint par le temps. Pour avoir une chance d'être consensuel, il aurait dû être programmé en début de quinquennat. Il est instrumentalisé pour relancer un président en fin de mandat. Cette frilosité de calendrier sera lourde de conséquences.
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