Comment qualifier le lundi politique que nous avons vécu hier ? On hésite, en effet, entre incrédulité et stupéfaction. Même parmi les supporters les plus convaincus de Nicolas Sarkozy, c'est avec une certaine gêne qu'on a commenté la circulaire du directeur du cabinet de Brice Hortefeux visant directement les Roms. Le président de la République n'est pas raciste, alors comment un tel document ouvertement stigmatisant envers une communauté précise a-t-il pu être rédigé par le ministère de l'Intérieur ? Car ce n'est ni d'une maladresse, ni d'une instruction subalterne dont on parle, mais d'un document incontestable dont la rédaction a été clairement condamnée par le Haut représentant de l'ONU pour les droits de l'homme.
Nous sommes là bien au-delà de la politique d'immigration musclée et décomplexée, légitime parce que « légale », que revendique le gouvernement. Il ne s'agit pas non plus, comme l'a dit un peu vite Xavier Bertrand, d'une polémique de belles âmes. Une frontière a été repoussée qui déplace le débat sur le terrain des valeurs qui engagent l'image de la France, bien au-delà des clivages politiques ordinaires. Si M. Hortefeux a pris soin de modifier immédiatement les termes de la lettre incriminée, c'est qu'il a clairement conscience qu'elle était absolument indéfendable... y compris dans les yeux du ministre de l'Immigration.
Qu'importe ce recul précipité... si du point de vue du ministre de l'Intérieur, l'objectif a été atteint. L'électorat du Front national courtisé par sa politique depuis le début de l'été a eu le temps d'être séduit. La popularité du chef de l'État dans cette cible électorale a grimpé de... vingt points en un mois. Champagne ! Et tant pis si, pour parvenir à ce résultat, on a flatté, voire justifié, le sentiment d'exclusion le plus primaire à l'égard d'une communauté pauvre, dérangeante dans le paysage, d'autant plus facilement méprisée qu'une partie de ses membres est effectivement en situation irrégulière... A lire les sondages sur l'approbation des expulsions, le mécanisme, qui recourt à l'amalgame facile, a parfaitement fonctionné.
Quand elles sont inspirées par un antisarkozysme primaire lui aussi, les spéculations sur les dérives « vichystes » du régime, et maintenant sur le « Sarkogate » sombrent évidemment dans une caricature regrettable. En revanche, les dérapages successifs du pouvoir qui, hier, ont tourné à l'embardée, mettent en évidence une fébrilité dommageable. Ces petites paniques répétitives rétrécissent dangereusement le pays à l'heure où il devrait être grand pour affronter des périls autrement plus dangereux que des campements sans défense... et de simples journaux.
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