TOUT EST DIT

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mardi 7 septembre 2010

Non, l'économie chinoise ne calera pas en 2011

Malade, l'économie chinoise ? Cet été, l'hypothèse d'un brusque ralentissement du principal moteur de l'économie mondiale a été prise au sérieux. Dans un contexte d'inquiétude sur la reprise américaine, plusieurs indicateurs ont démontré que l'industrie chinoise traversait une mauvaise passe. Entre une inexorable baisse de la demande en Occident et une tendance de plus en plus patente à la hausse des salaires, la machine exportatrice semble en danger. Sans compter que les exportateurs ont vu disparaître des dispositifs fiscaux qui les avaient aidés depuis le début de la crise internationale.

Pour ne rien arranger, les autorités se retrouvent, au même moment, obligées d'appuyer sur la pédale de frein. Car, dans un pays où les dépôts bancaires sont délibérément rémunérés à des niveaux ridiculement bas - afin que, par ricochet, les banques puissent prêter généreusement aux entreprises -, les ménages se sont rués vers l'immobilier pour placer leur argent. Le résultat est une bulle immobilière doublement explosive : non seulement sur le plan purement économique, mais aussi d'un point de vue social et politique, puisqu'elle se traduit par des coûts de logement presque insoutenables pour la classe moyenne. Ce qui a poussé Pékin à prendre des mesures drastiques pour limiter le crédit. Au lieu d'agir sur les fonds propres des banques, comme à leur habitude, les autorités ont ciblé l'activité spéculative, en relevant le pourcentage d'apport personnel pour l'achat d'une deuxième propriété. Et en bloquant quasiment le crédit pour une troisième. Pour la première fois depuis longtemps, l'équation que doit résoudre Pékin s'apparente donc à un vrai casse-tête : comment diminuer l'activité de crédit au moment où le principal moteur de l'économie, l'export, semble en danger ? Autant vouloir freiner tout en accélérant… Pour les Cassandre, le régime chinois, dont la légitimité a découlé, jusqu'à présent, de sa capacité à garantir une vigoureuse croissance économique, risque d'être confronté sous peu à un difficile test politique.

On peut pourtant émettre des doutes devant cette hypothèse. Complexe, le pilotage de l'économie chinoise l'est certainement. Mais Pékin dispose encore d'une grande marge de manoeuvre pour empêcher une catastrophe.

Il est incontestable que, en matière de crédit, Pékin a « grillé ses cartouches », selon Hervé Liévore, stratégiste chez AXA IM. Non seulement stimuler le crédit serait contraire au projet de freiner la hausse du marché immobilier, mais, en plus, cette arme a été largement utilisée en 2009. Au point que les banques s'inquiètent aujourd'hui de la quantité de prêts « pourris » qu'elles ont accordés. En revanche, Pékin dispose plus que jamais de l'arme budgétaire. Avec une dette publique qui n'excède pas 30 % du PIB, l'Etat central n'aura aucun mal à investir, notamment dans la construction de logements pour soulager le marché de l'immobilier. Contrairement aux pays développés, la Chine a les moyens de pratiquer un « keynésianisme pur et dur », comme le dit Hervé Liévore. Même en tenant compte de l'endettement substantiel des collectivités locales, elle dispose là d'une incontestable réserve de croissance.

Deuxième point : la compétitivité des produits chinois est-elle profondément menacée ? Rien n'est moins sûr. D'abord parce que, contrairement à ce que certains ont trop vite espéré en juin dernier, Pékin garde la main sur l'évolution de son taux de change et maintient depuis lors un yuan faible. Mais aussi parce que, au-delà de l'effet de loupe médiatique que les grèves de ces derniers mois ont déclenché, la hausse des salaires est à l'oeuvre depuis longtemps, si bien que les faibles coûts de main-d'oeuvre ne sont plus le seul atout d'un pays qui s'est construit une force de frappe industrielle sans égal. Même dans un secteur comme le textile, fabriquer des petits lots peut être pertinent au Bangladesh ou en Inde, mais la Chine reste imbattable pour les productions de masse qui plaisent tant à la grande distribution occidentale.

Enfin, tout porte à penser que la dépendance de l'économie chinoise vis-à-vis des exportations a commencé à décroître, de manière certes encore discrète. Il semble logique que la consommation des ménages augmente lorsque les salaires font de même et que les zones industrielles, qui sont aussi celles de consommation, ne se cantonnent plus à la côte. Mais plusieurs signaux corroborent cette hypothèse. Sur douze mois, les crédits à la consommation semblent avoir explosé de plus de 40 %. En Bourse, ce sont les secteurs des biens de consommation ou des services aux consommateurs qui se portent le mieux. Et le dernier indice en provenance de Chine confirme que la demande interne aux entreprises connaît une hausse vigoureuse.

La crise obligeait la Chine à se réinventer. C'est ce qu'elle semble commencer à faire. Sauf rechute de l'économie mondiale, elle devrait donc maintenir une croissance solide en 2011. Ce qui épargnerait au régime les sueurs froides que certains, en Occident, lui prédisent.




GABRIEL GRÉSILLON

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