Des trains et des tramways nombreux et confortables, des lycées refaits à neuf, des routes, des ports et des centres-villes modernisés... En moins de trente ans, la décentralisation, merci Gaston Defferre, a changé le visage de la France. Plus embryonnaire que chez nos voisins, le rapprochement entre les institutions et le citoyen a malgré tout fait ses preuves. Partout en Europe, la déconcentration des pouvoirs a dynamisé l'économie.
Nicolas Sarkozy a voulu dépoussiérer ce système, il est vrai peu limpide. Avec trois objectifs louables : le rendre moins coûteux, plus simple et plus efficace. La réforme que les députés votent, ce mardi, d'une complexité peu compatible avec l'urgence politique, semble loin d'atteindre ces objectifs, après cinquante heures de débats.
Moins coûteux ? Avec 39 % d'élus territoriaux en moins, on pourrait le penser. Mais si les élus départementaux seront moins nombreux à compter de 2014, le nombre d'élus régionaux, lui, doublera, rendant les hémicycles trop petits. En outre, leur rémunération, leurs collaborateurs, les frais de transport et d'hébergement augmenteront au point que personne n'espère d'économies de ce côté-là. Dès lors qu'aucun échelon n'est supprimé, la seule économie viendra de la suppression des doublons techniques entre départements et Régions.
Pour le reste, commune et intercommune vont continuer de se marcher sur les pieds. Les services déconcentrés de l'État ¯ les directions de l'Agriculture, de l'Équipement ou de l'Industrie ¯ survivent parallèlement à ceux des départements et des Régions. À l'heure où la dette de l'État par habitant atteint 23 000 € (100 € pour les Régions), il aurait été judicieux de rationaliser.
Plus simple ? Au « millefeuille » actuel, jugé trop épais, on rajoute une couche, les « métropoles », qui pourront s'octroyer certaines prérogatives des départements ou des Régions. On conserve aux communes le droit d'intervenir dans tous les domaines. Départements et Régions pourront s'entendre sur des spécialisations différentes en Normandie ou en Auvergne. La culture, le sport et le tourisme resteraient des domaines partagés. Limpide, non ?
La principale simplification concerne l'interdiction, selon la taille des collectivités, des financements croisés.
Plus efficace ? Régions et départements perdent, pour la première fois, presque toute autonomie fiscale. Et, alors que leur endettement reste très supportable, le gel des dotations de l'État les oblige à réduire leurs investissements.
L'élection de conseillers à la tête de cantons savamment redécoupés risque d'en faire des élus plus préoccupés par le saupoudrage des projets locaux que par les grandes ambitions structurantes. La fin des financements multiples pourrait léser les petites communes pauvres. Enfin, ces collectivités, surtout les Régions, resteront des naines par comparaison avec leurs grandes soeurs allemandes ou espagnoles.
Au moment où il n'a plus ni les outils ni les moyens d'aménager le territoire, l'État reconcentre le pouvoir au lieu de rendre les élus responsables, devant les électeurs, des impôts que génèrent leurs décisions. La France reste prisonnière de son histoire, de son jacobinisme et, deux cent vingt ans après la transformation des paroisses en communes, d'un esprit de clocher qui pérennise encore son émiettement territorial.
(*) http://politique.blogs.ouest-france.fr/
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