ur les écrans américains, la conférence de presse du ministre de la défense israélien, Ehoud Barak, est passée en boucle : "Sur l'un des six navires, les activistes se sont engagés dans un assaut violent contre nos soldats." Ce 1er juin est Memorial Day aux Etats-Unis, jour férié de commémoration des soldats morts pour l'Amérique dans toutes ses guerres. Un long week-end où les administrations et la plupart des services sont fermés.
Non seulement l'attaque israélienne sur le convoi humanitaire en direction de Gaza ne fait pas l'ouverture des journaux télévisés, même sur les chaînes spécialisées, mais elle est reléguée loin derrière l'information qui continue de bouleverser les Américains : les fuites continues de pétrole dans le golfe du Mexique.
"UNE PROVOCATION DÉLIBÉRÉE MENÉE PAR AL-QAIDA"
Les médias américains ont donc réagi avec un retard que le décalage horaire n'est pas seul à expliquer. Mais les premiers reportages des correspondants sont, dans l'ensemble, peu favorables à la thèse israélienne. Seuls les commentaires sur la chaîne Fox News insistent sur les "inconnues" de l'affaire et la menace que constitue le Hamas pour Israël.
L'envoyé spécial de la chaîne MSNBC, par exemple, détaille longuement la thèse israélienne : les occupants des navires ont été les agresseurs. Ils auraient usé "peut-être même d'armes à feu" contre les soldats venus arraisonner les bateaux. Mais il conclut sur une note de scepticisme quant au caractère légal de l'assaut israélien : "Tout cela n'explique pas pourquoi l'armée israélienne a attaqué la nuit – et de son propre aveu en pleines eaux internationales."
Malcolm Hoenlein, président de la Conférences des présidents, l'équivalent américain du CRIF (qui regroupe la plupart des grandes organisations de la communautés juive), ne se dit pourtant "pas inquiet" : "Pourquoi devrai-je l'être ? Lorsque les Américains connaîtront les faits réels, tout le monde aura compris qu'il s'agissait d'une provocation délibérée menée par Al-Qaida, le Hamas et consorts pour venir en aide à une entité terroriste" : Gaza.
"PURE PROPAGANDE"
Selon les informations dont dispose M. Hoenlein, les soldats israéliens descendus à bord ont été accueillis "par des bordées d'injures et des barres de fer". S'ils avaient mené leur opération le jour, "il y aurait eu beaucoup plus de victimes". Quant aux eaux territoriales, "personne ne sait où elles se situent" et la question est de peu d'importance lorsqu'un peuple "défend son existence". Ce qui inquiète en revanche M. Hoenlmein, ce sont "les médias européens, et un peu aussi les américains, qui vont sauter sur l'occasion pour salir Israël".
Son de cloche différent chez J. J. Goldberg, qui fut longtemps le rédacteur en chef de The Forward, le plus ancien journal juif de New York, marqué à gauche. Certes, assure-t-il, l'opération "humanitaire" pour Gaza était à ses yeux de "pure propagande" : ses initiateurs savaient qu'Israël ne les laisserait jamais y parvenir, parce qu'il s'agit d'une question d'affirmation de son droit souverain. Ils ont également refusé, ajoute-t-il, de délivrer leur marchandise dans le port israélien d'Ashdod alors qu'Israël était d'accord pour l'acheminer à Gaza. Le problème est que "les partisans du Hamas voulaient un succès symbolique et Israël, comme à chaque fois, tombe dans le panneau en sur-réagissant".
Pour lui, Israël apparaît "définitivement soumis au complexe de Massada". Les Israéliens dans leur majorité "estiment que le droit international est un fantasme", une ineptie pour intellos. Ils sont, poursuit-il, "entrés dans une bulle, ne font confiance à aucun gouvernement, aucune instance internationale, aucune ONG humanitaire. Tous sont devenus leurs ennemis".
Pour autant, il ne pense pas que l'arraisonnement des vaisseaux et les victimes qu'il a occasionnées laisseront une forte trace dans l'opinion juive américaine. "La droite juive ‘dure', au fond, regrette que Tsahal n'ait pas tué plus de dix personnes. La majorité de cette opinion s'en tiendra à l'idée de la provocation palestinienne. Quant à l'opinion juive progressiste, elle fait du bruit mais elle est sans doute plus réduite qu'on ne le croit."
Dans l'après-midi, David Harris, président de l'American Jewish Committee, une des grandes organisations communautaires américaines, publiait un communiqué. "Israël, selon le droit international, avait tous les droits d'arraisonner ces bateaux après avoir prévenu la flottille de ne pas chercher à débarquer à Gaza", peut-on y lire.
Sylvain Cypel
mardi 1 juin 2010
Aux Etats-Unis, l'assaut israélien relégué en fin de journal
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