TOUT EST DIT

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mardi 1 juin 2010

Les Allemands ne reconnaissent plus "leur" BCE, par Marie de Vergès

n parfum de divorce flotte entre les Allemands et la Banque centrale européenne (BCE). Rancoeur, déception et grincement de dents : la décision historique prise par l'autorité monétaire, le 10 mai, de racheter la dette publique des pays en difficulté de la zone euro n'a toujours pas été digérée outre-Rhin. Au sein même de la BCE, le "camp allemand" ose dire son amertume après avoir été mis en minorité. "La politique monétaire a pris de nouveaux chemins pour combattre la crise que je continue à considérer de façon critique étant donné les risques", a déploré, lundi 31 mai, le patron de la Bundesbank, Axel Weber, qui a voté contre cette mesure.
Ce n'est pas la première fois que l'Allemand, candidat à la présidence de la BCE à partir de 2011, fait connaître son désaccord. Une double entorse aux règles tacites de l'institution, qui prend généralement ses décisions par consensus et se garde de faire étalage de ses divergences.

Mais "des différences d'opinion sur des aspects aussi fondamentaux de la politique monétaire ne concernent pas seulement le Conseil, mais aussi et surtout le grand public", défend Thorsten Polleit, économiste en chef de Barclays Capital à Francfort. Si M. Weber s'est permis de parler tout haut, explique l'économiste, "c'est qu'il juge cette décision incompatible avec le mandat de la BCE", celui - primordial outre-Rhin - de la lutte contre l'inflation.

Selon l'hebdomadaire Der Spiegel publié lundi, les dirigeants de la Bundesbank soupçonnent même, derrière les initiatives de la BCE, un "complot français"... Un rachat des obligations grecques était inutile, puisque le plan d'aide à Athènes de 110 milliards d'euros était validé et les premiers crédits déjà débloqués.

L'institution, sous la présidence de Jean-Claude Trichet - un Français ! -, ne fait que soutenir artificiellement les cours, prétend l'hebdomadaire, et permettre aux banques françaises de se défaire de leurs titres à bon compte... alors que les banques allemandes ont promis de conserver leurs emprunts grecs jusqu'en 2013. Pourtant, à Bercy, on affirme que les banques françaises aussi "se sont engagées à maintenir leur exposition sur la Grèce sans limite de durée".

Faux procès ? Une chose est sûre : aux yeux des Allemands, la vénérable institution, pourtant sise à Francfort et façonnée sur le modèle de la Bundesbank, a trahi ses principes. Et les efforts de M. Trichet n'y changent pas grand-chose : ce dernier a multiplié les entretiens dans les plus grands journaux d'Allemagne, ces dernières semaines, pour défendre une BCE gardienne fidèle de la stabilité des prix. Sans grand succès.

En jeu aussi, la sacro-sainte indépendance de la Banque centrale vis-à-vis du pouvoir politique, que nombre d'observateurs allemands estiment désormais en péril. Il convient "de tirer un trait de séparation clair entre les responsabilités de la politique monétaire et de la politique des finances", a d'ailleurs fait valoir M. Weber, lundi, dans un discours prononcé à Mayence. Le patron de la Bundesbank sait qu'il joue gros. Bien parti dans la course à la succession de M. Trichet, il pourrait perdre des appuis en Europe à force d'intransigeance et d'orthodoxie.

Et si la gestion de la crise par la BCE froisse les Allemands, l'inverse est aussi vrai. Vendredi 28 mai, l'Italien Lorenzo Bini Smaghi, membre du directoire de la BCE, a accusé l'Allemagne dans une allusion à peine voilée d'avoir "jeté de l'huile sur le feu" en pleine crise de l'euro. "Dans un grand pays de la zone euro, on a pensé que l'on n'obtiendrait l'appui de l'opinion publique (pour renflouer la Grèce) qu'en dramatisant la situation, par exemple en disant que "l'euro est en danger" ou en mentionnant la possibilité d'exclure un pays de la zone euro", a-t-il dit. De telles paroles - clairement attribuées à la chancelière, Angela Merkel - "ne pouvaient que faire augmenter le coût du sauvetage", a-t-il jugé.
Marie de Vergès

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