TOUT EST DIT

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samedi 14 novembre 2009

Chypre coupée en deux par l'ultime mur d'Europe #

Depuis l'intervention de l'armée turque, en 1974, des barbelés tranchent l'île méditerranéenne de part en part, séparant les communautés grecque et turque.

Traverser le check point Charlie à Nicosie a toujours été un moment particulièrement intense, chargé d'émotions. Ce n'est qu'en traversant cette zone tampon, irréelle, figée comme un décor de cinéma, que l'on comprend que le temps s'est arrêté, en 1974, avec l'irruption des troupes turques dans le tiers nord de l'île, en riposte à un coup d'État orchestré, depuis Athènes, par la dictature des colonels grecs.

Les troupes turques débarquèrent entre le 19 et 24 juillet de cette année maudite par les Chypriotes grecs (82 % de la population) et bénie par les Chypriotes turcs (18 %). Pour la minorité, la présence des troupes turques était synonyme de salut, dix ans après les heurts sanglants de Noël 1963.

Barbelés et sacs de sables

Depuis lors, la limite de l'avancée turque est marquée par un mur de barbelés long de 180 km, qui traverse de part en part l'île et sa capitale. Et 200 000 Chypriotes grecs, soit un tiers de cette communauté, sont devenus des réfugiés dans leur propre pays.

Jusqu'en 2004, le check point Charlie, gardé par les Casques bleus de l'Onu, était le seul point de passage entre le Nord turc et le Sud grec. Les impacts de balles sur les murs rappellent la violence des combats. Les sacs de sable sur les balcons, les somptueuses maisons chypriotes aux alcôves vénitiennes défoncées par les tirs de mortier, les fils de fer barbelés qui encerclent le moindre signe de vie entretiennent la douleur et l'aigreur chez les Chypriotes grecs.

Ces dernières années, plusieurs autres points de passage ont été ouverts dans et autour de Nicosie, à mesure que reprenaient les négociations visant à la réunification de l'île. « On n'aurait jamais dû les ouvrir. Ils ne servent qu'à aider économiquement (les Chypriotes turcs), alors que nos villages sont toujours occupés par des étrangers. Si je veux aller là-bas, il faut que je signe un papier, cela équivaudrait à reconnaître leur État, il n'en est pas question », grogne Antonis, un étudiant de 25 ans.

Le président chypriote grec, Dimitris Christophias, et le chef de l'État turc autoproclamé du Nord, Mehmet Ali Talat, se voient chaque semaine depuis l'été 2008. Mais les négociations entre ces deux hommes de gauche avancent au pas de la tortue, tant le passé est lourd et la méfiance grande.

Pas aussi forts que les Berlinois

La journaliste chypriote turque Sevgül Uludag, elle, veut avant tout une réconciliation : « C'est le fond de l'histoire, la réunification c'est la forme. » Pour elle, le mur de Berlin est tombé car il divisait un même peuple, qui ne s'était pas entre-tué : « Ici, ce sont deux peuples différents, des Chypriotes grecs orthodoxes et des Chypriotes turcs musulmans qui se sont massacrés, cela sera plus long. »

Comme en écho, Elpida, avocate chypriote grecque, regrette que les Chypriotes ne soient pas « aussi forts que les Berlinois pour faire tomber ce mur », mais, confie-t-elle, « avec tous ces passages ouverts, ce n'est plus un vrai mur. »

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