samedi 15 mars 2014
Le syndrome Lucky Luke
Le syndrome Lucky Luke
Le deuxième engagement touche évidemment au chômage : la fameuse "inversion de la courbe". Là encore, échec. La baisse de 0,1 % du taux de chômage à la fin de 2013 ne saurait être considérée comme un reflux. Elle n'est qu'infinitésimale. Et le nombre d'inscrits à Pôle emploi, s'il ne grimpe plus comme avant, reste depuis six mois sur un haut plateau. Malgré les dizaines de milliers d'"emplois d'avenir" et autres contrats aidés financés par la puissance publique.
Le troisième est la promesse de stabilité fiscale. Promesse contredite par le gouvernement lui-même, qui a engagé un inquiétant chantier de réforme des prélèvements. Comment croire que cette réforme ne va pas faire de nouvelles victimes ? Contredite encore, la majorité parlementaire, qui furète et bat les buissons du matin au soir, à la recherche de nouvelles taxes. Par les collectivités locales, qui, dès les élections municipales passées, vont poursuivre la hausse des impôts qui assurent leurs revenus. Et cela d'autant plus que l'État va réduire encore leurs dotations budgétaires. La hausse des droits de mutation intervenue le 1er mars dernier n'est que le signe avant-coureur du choc fiscal à venir.
Impôts, déficits, chômage : trois fois malmené par les faits, l'exécutif n'a fait que décrédibiliser une parole publique qui n'en avait guère besoin. Ce triple démenti explique en large part l'impopularité du président et de son Premier ministre. Si François Hollande a pris ces risques, c'est parce qu'il a construit le premier acte de son mandat sur un postulat : la croissance va revenir grâce à l'alternance des phases du cycle économique. En gros, ça va aller mieux parce que ç'a été mal. Théorème rudimentaire, et pourtant souvent sollicité. Attendre est la politique économique favorite des hommes politiques français. Ils en ont fait un art. Les socialistes étaient d'ailleurs persuadés que le seul départ de Sarkozy allait chasser les mauvais esprits. Un peu comme en 1997, quand la gauche était arrivée au pouvoir par accident, grâce à la dissolution de l'Assemblée, avait réussi sur le plan économique par hasard - la croissance mondiale et européenne renaissait - et s'en était attribué le mérite.
Une fois la croissance revenue, le chômage aurait baissé, les déficits se seraient réduits, et plus besoin d'augmenter les impôts : les trois promesses du président étaient tenues. Il a fallu en rabattre là aussi, à la fin 2013, lorsqu'il est devenu évident que la reprise était une sorte de tôle ondulée inconfortable. Mais le président n'a pas renoncé à son pari. Seul son calendrier a changé. Puisque la reprise n'est pas là, c'est qu'elle arrivera plus tard. Le deuxième acte du quinquennat Hollande est construit, lui aussi, sur le même fragile acte de foi. Le gouvernement continue à attendre la reprise comme on attend le secours du régiment de cavalerie lors d'une attaque indienne, dans les aventures de Lucky Luke.
Il est pourtant vraisemblable que la reprise soit décevante en 2014 aussi. Ce cycle n'est pas comme les autres. Il est plombé par l'effet de traîne du désendettement mondial et, en Europe, par les effets délétères de l'union monétaire mal gérée. Avec l'euro, tout déficit de compétitivité se paie par une croissance plus faible et un chômage plus élevé. La reprise est donc plus tardive, et surtout beaucoup plus inégale qu'auparavant : elle aura ses élus et ses réprouvés. Autrement dit, la cavalerie n'arrivera peut-être pas à temps chez nous. C'est déjà ce que Nicolas Sarkozy avait expérimenté en 2012.
Avant la crise, les contrariétés de ce genre étaient masquées par des artifices. Faute de pouvoir dorénavant dévaluer sa monnaie, la France s'était réfugiée dans l'endettement pour maintenir un niveau de vie en croissance régulière. Après avoir usé de l'expédient monétaire, nous avons abusé du crédit. C'est fini. François Hollande a la malchance d'être au pouvoir alors que le temps des subterfuges est révolu.
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