TOUT EST DIT

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jeudi 7 novembre 2013

La situation est-elle révolutionnaire ?

La situation est-elle révolutionnaire ?

C'était écrit. Si la politique n'est pas toujours une science exacte, les mêmes causes produisent souvent les mêmes effets : le désarroi du régime, sur fond de démoralisation nationale et de fronde antifiscale, était tout à fait prévisible. Ne faisons pas les étonnés. Avis de tempête sur la France. Avec un vent de force 10 où l'hystérie le dispute à l'éructation. Le temps est désormais aux braillards, aux europhobes et aux haineux en tout genre, tandis que décline dangereusement l'étoile des partis traditionnels. La situation est-elle révolutionnaire ?
Même si les bonnets phrygiens poussent comme des champignons sur les cortèges bretons, il faut se méfier des prédictions dès lors qu'elles concernent... l'avenir. On s'épargnera donc le ridicule d'annoncer, comme les prophètes de bistrot ou les bravaches des tréteaux, le grand soir incessamment sous peu.
Le communisme et ses avatars ne sont plus que des remugles au fond des poubelles de l'Histoire. Rien à craindre de ce côté-là. Mais force est de constater que la situation actuelle présente des similitudes passablement troublantes avec les décennies qui ont précédé 1789. Dans un grand classique, L'Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville avait énuméré quelques-unes des raisons qui avaient mené à la prise de la Bastille et à la suite que l'on sait. 

Apparemment, ces raisons sont toujours là, deux siècles plus tard. 
Rien de nouveau sous le soleil, pardon, les nuages de France. Qu'est-ce qui a provoqué la Révolution de 1789 ? La fiscalité, la centralisation et la bureaucratie. Sans oublier les privilèges et la mollesse insigne de la monarchie qui "souleva le peuple en voulant le soulager". Or, selon Tocqueville, plus un pouvoir est faible, moins il doit reculer ; sinon, il précipite sa chute. 

 Pour expliquer la Révolution, on ne parlera pas de multiculturalisme, ce serait anachronique, mais de délitement général et d'éclatement de la société : "Plus semblables entre eux" que les autres peuples, note Tocqueville, les Français étaient, à la fin du XVIIIe siècle,"plus séparés qu'ils ne l'avaient jamais été en petits groupes étrangers et indifférents les uns aux autres". Dans L'identité malheureuse, où se retrouvent tant de Français comme dans un miroir, Alain Finkielkraut ne dit pas autre chose. 

Additionnez deux de nos concitoyens, ces temps-ci, ça fera toujours une division. La déroute des finances publiques a fini de préparer le terrain pour 1789. Nommé pour les rétablir, le contrôleur général des finances Jacques Turgot, baron de Laulne, avait tout dit, dans sa célèbre lettre du 24 août 1774 à Louis XVI. Son programme novateur tenait en trois principes qui mériteraient d'être repris tels quels aujourd'hui : "Point de banqueroute. Point d'augmentation d'impôts. Point d'emprunts." Comment Turgot entendait-il redresser le royaume ? "Il n'y a qu'un moyen,écrivait-il à Louis XVI. 

C'est de réduire la dépense au-dessous de la recette, et assez au-dessous pour pouvoir économiser (...) afin de rembourser les dettes anciennes." Après quoi, ajoutait-il, barriste avant l'heure, viendront "le calme à l'intérieur, la considération au-dehors, le bonheur de la nation". Attaqué notamment pour avoir voulu abolir les privilèges, il n'aura pas tenu deux ans et sa disgrâce fut le début de la fin pour la monarchie. Un destin qui rappelle que notre pays a toujours préféré les révolutions aux réformes, qu'il abhorre. À Turgot et à ses disciples la France a, hélas, toujours tendance à préférer les bateleurs et les bonimenteurs, comme ceux qui prétendent aujourd'hui que, plutôt que de réduire les dépenses publiques, il suffit de dévaluer, de sortir de l'euro ou d'augmenter les impôts pour résorber les déficits et renouer avec la croissance. Démangés par une sorte de prurit fiscal, maladie sénile de la gauche, nos gouvernants n'ont pas redressé les finances ni relancé l'économie. Ils ont seulement grippé le moteur et donné raison à Winston Churchill, qui disait :

 "Les socialistes sont comme Christophe Colomb. 
Ils partent sans savoir où ils vont. 
Quand ils arrivent, ils ne savent pas où ils sont. Tout ça avec l'argent des autres." 

Le pouvoir, as de la reculée, a fait la démonstration par l'absurde que la fiscalité mène à tout, à condition d'en sortir. La Révolution n'est pas aux portes de Paris. Mais la déliquescence économique, oui, et M. Hollande est désormais condamné à mener, de gré ou de force, la seule politique qui vaille. Celle que tous ses prédécesseurs ont cherché à éviter. Celle qui a remis debout l'Allemagne, la Suède, le Canada, aujourd'hui la Grande-Bretagne, demain l'Espagne. On veut parler de la baisse des dépenses publiques, qui, chez nous, battent des records (57 % par rapport au PIB) et nous précipitent dans la spirale du surendettement.
Qu'attend-on pour commencer dès maintenant le travail que les marchés financiers obligeront la France à réaliser tôt ou tard ? Comme dit un proverbe normand, "ce n'est pas parce que le boeuf avance à reculons qu'il ne finira pas par entrer dans la bétaillère."

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