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samedi 2 mars 2013

Le «masculinisme» arrive-t-il en France ?


Le coup d'éclat d'un homme au sommet d'une grue préfigure-t-il l'émergence d'un mouvement anglo-saxon de défense des droits de pères? Enquête.

Père bafoué ou papa manipulateur, homme désespéré ou misogyne patenté? Le coup d'éclat de Serge Charnay, ce père resté perché quatre jours au sommet d'une ancienne grue, à Nantes, à la mi-février, a été perçu comme la première action «masculiniste» en France. Ce mouvement de pères en colère qui créent l'événement grâce à des opérations spectaculaires, ce machisme qui montre ses muscles, a vu le jour en Amérique du Nord. Le fait divers nantais constituerait le premier signe de son arrivée dans l'Hexagone, selon le producteur et cinéaste Patric Jean, spécialiste de la question, soulignant les similitudes de la méthode de «M. Grue» et celle de ses cousins activistes d'outre-Atlantique. Même goût pour l'escalade, même stock de batteries de téléphone et même demande de changer les lois, a-t-il relevé dans Le Monde.
Au cœur de leurs revendications: la garde d'enfants. Réunis au sein de plusieurs associations comme SOS Papa, Les papas = les mamans ou encore SVP Papa qui a organisé le 20 février une manifestation à Nantes réunissant 150 militants de la cause des pères, les «paternels» dénoncent le manque d'égalité dans les décisions de justice sur la garde des enfants. La plupart d'entre eux réclament l'institution de la résidence alternée par défaut ou, en d'autres termes, plaident le partage égal de la garde entre le père et la mère en cas de séparation.
«Serge Charnay est monté sur une grue de sa propre initiative c'est une action isolée qui n'a rien à voir avec le masculinisme», selon Fabrice Mejias de SOS Papa.
«La lutte des pères a pris son essor dans les années 1970, explique la sociologue Christine Castelain Meunier*. Elle se décline en deux tendances: celle de la recherche d'une parité parentale, plus consensuelle et tournée vers la médiation, et celle de la demande de retour à l'autorité paternelle, profondément antiféminisme.» Ces mouvements se sont développés en écho à des changements de société tels que le remplacement de la puissance paternelle par l'autorité parentale partagée en 1970 ou le divorce par consentement mutuel en 1975. «Si le phénomène est aujourd'hui associé à l'idée d'une perte de vitesse du masculin dans la société mais aussi au constat que le rôle de l'homme auprès des enfants a changé», souligne Christine Castelain Meunier qui semble douter de l'émergence du masculinisme en France.

Bataille de chiffres

Masculinisme ou non, entre les papas courroucés et les féministes, la guerre est déclarée. À peine redescendu, Serge Charnay s'en est pris aux ministres de la Justice et de la Famille qui venaient de recevoir les associations de pères en réponse à sa «performance». «Les femmes qui nous gouvernent se foutent toujours de la gueule des papas», s'est emporté cet homme déchu de son autorité parental, évoquant un «gros travail» à faire avec «ces bonnes femmes qui croient toujours qu'on ne peut pas changer une couche d'un gamin». Les militantes d'Osez le féminisme! ont immédiatement répliqué pour «dénoncer les idées nauséabondes qui se cachent derrière leur “lutte” pour les droits des pères. SOS Papa est une association réactionnaire, lesbophobe et antiféministe».
«Ce qui est inquiétant, c'est le tapis rouge qui a été déroulé devant eux par les ministres et le retentissement médiatique de l'affaire. Nous avons donc demandé à être à notre tour reçues à la Chancellerie», explique Julie Muret, porte-parole d'Osez le féminisme! «Nous aussi on se bat pour l'égalité, dans la sphère familiale comme dans la sphère professionnelle, pour une vraie co-parentalité qui mènera à plus d'égalité pour les femmes», défend Fabrice Mejias de SOS Papa. Défenseurs des droits des femmes et partisans des papas se battent également à coups de chiffres. Dans neuf cas sur dix, la mère aurait la garde de l'enfant, déplorent les mouvements de pères. «Il est vrai que dans 71 % des cas, la résidence principale est accordée à la mère, note Julie Muret. Mais seuls 20 % des pères la demandent, selon des statistiques de la Chancellerie parues en 2007.»
* «La sorcière, la fée du logis, le prince charmant et la question du ménage», Stock, parution en septembre 2013.

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