TOUT EST DIT

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lundi 4 mars 2013

73% de mécontents : quelle autre politique économique que celle de François Hollande est possible ?


Près de trois quart des Français (73%) se déclarent "mécontents" de la politique économique et sociale du gouvernement, selon un sondage Tilder-LCI-OpinionWay publié jeudi dernier.

Alors que la politique de François Hollande (hausse de la TVA, pacte de compétitivité, accord de flexibilité) semble se rapprocher du programme de l'ancien président de la République, Nicolas Sarkozy, le sentiment qui prédomine est qu'il n'y a qu'une politique économique possible. Existe-t-il, malgré tout, d'autres options économiques possibles ? Lesquelles ?

Nicolas Bouzou : Vous avez raison, la politique économique de l’actuel gouvernement converge progressivement avec celle qui a été menée lors du quinquennat précédent. Ce n’est pas étonnant car les objectifs sont les mêmes (relancer la croissance et l’emploi) et les contraintes aussi (le faire en réduisant les déficits publics). J’ajoute que depuis une vingtaine d’année, les gouvernements des pays occidentaux sont, à des degrés divers, tétanisés par l'opinion publique, en France encore plus qu’ailleurs. Les gouvernement ne mettent en place des réformes de structure que si le gain économique à attendre est supérieur au coût politique immédiat. Dans les faits, elles attendent le paroxysme des crises pour agir. C’est une erreur dans certains pays comme la France où l’opinion publique connaît parfaitement la nécessité  des réformes, mais les a refoulées dans son inconscient freudien. 
Il a de quoi broyer du noir
Séverin Naudet : Les chiffres des inscrits au Pôle emploi en janvier sont en hausse pour le vingt et unième mois consécutif et flirtent avec le record de 1997 soit 3,2 millions d'inscrits. Il est donc assez naturel que les sondages reflètent l’immense inquiétude de chacun. La hausse de la TVA en contrepartie d'une baisse des charges sur les salaires et l’accord de flexibilité, s’il est respecté, vont dans le bon sens mais ne sont absolument pas suffisant. Il faut tout de suite réduire les deficits en diminuant considérablement les dépenses de l'état. Il faut arrêter les hausses d'impôts massives et généralisées. Pourtant les options sont là, le rapport Gallois et avant lui le rapport Attali, par exemple, en proposent beaucoup, mais les gouvernements renoncent. Il faut passer plus de temps à permettre l’innovation qu’à tenter de sauver des modèles industriels anciens qui sont voués à disparaître. Il faut lever les verrous de l’économie administrée pour libérer les énergies, donner le goût du risque. Comment accepter que toutes les grandes capitalisations boursières de l’économie numérique soient américaines? L’économie numérique crée 3000 emplois par semaine et au lieu de l’encourager on réglemente à tour de bras par peur du changement! La réforme des univesités va dans le bon sens et il faut aller plus loin, il faut mélanger les talents, les chercheurs et les futurs entrepreneurs, les commerciaux, doivent se retrouver sur les mêmes campus. C’est une révolution culturelle profonde qu’il faut engager vers une économie de conquête.

Quelles sont les trois réformes indispensables pour relancer la machine économique ? 

Séverin Naudet : Je ne crois pas que l’on puisse se limiter à trois mesures mais s’il fallait choisir...
La première réforme clé, est sans doute celle du marché du travail qu’il faut adapter à notre temps en permettant la flexibilité dont tout le monde a besoin. Il ne doit pas y avoir de sujet tabou : le CDI, le temps de travail… Il faut privilégier le dialogue social par entreprise et en finir avec un cadre national trop rigide. Il ne s’agit pas de fragiliser tout le monde, mais au contraire de donner une chance à chacun et s'attaquer ainsi vraiment au chômage de masse. Rarement la réglementation du travail aura été aussi éloigné des besoins des salariés et des entreprises. La véritable injustice sociale vient aujourd’hui vraiment de la différence entre les fonctionnaires, qui bénéficient de la garantie absolue de l'emploi, les salariés en CDI, qui conservent des droits forts, et toute une armée de précaires, notamment les jeunes et les seniors pour qui le marché du travail rime avec exclusion.
La seconde réforme essentielle, serait celle de l'état. Notre état administratif est hérité de Napoléon, notre état social de 1945. Il faut le moderniser en profondeur, le simplifier. Il faut réduire les structures administratives à l’essentiel. Il faut revoir le statut de la fonction publique, changer la gouvernance, faire la transparence. Il est temps que les structures administratives s'adaptent à notre temps. Enfin, revoir le mode de financement de la Sécurite sociale qui repose trop lourdement sur le coût du travail.La troisième réforme serait celle des mentalités et commencerait à l’école pour irriguer toutes les couches de la société française. La France est très largement une société de privilèges où la rente est triomphante, la vision de l’entreprise est caricaturale, on se méfie du succès et on méprise l’argent. On ne donne pas le goût du risque, le Graal c’est la fonction publique ou le CDI pas l’entrepreneuriat et l’innovation. On a des chercheurs brillants mais on ne crée pas assez de produits et de services innovants. On veut des ingénieurs là ou les américains créent des développeurs. Nous devons changer notre modèle pour affronter la concurrence et la mondialisation.
Nicolas Bouzou : D’abord, il faut changer notre conception de la politique économique. Le gouvernement français s’inscrit dans une logique complètement keynésienne, qui n’est pas tout à fait fausse, mais qui est très insuffisante. Pour lui, tout est problème de demande. Il s’agit de ponctionner les hauts revenus pour réduire les déficits en sauvegardant le modèle social, censé protéger les plus pauvres qui consomment plus. Pour se donner bonne conscience, il met en place un pacte de compétitivité mais qui est nanométrique par rapport à ce qu’il faudrait faire. A Keynes, je préfère Schumpeter et Marx. Le premier nous dit que, dans les grands cycles d’innovation comme celui que nous connaissons aujourd’hui, l’entrepreneur est au centre car c’est lui qui transforme des découvertes scientifiques en innovations avalisées par le marché, c’est-à-dire en croissance économique, en salaires et en emplois. C’est pour cela qu’il faut mener dans notre pays une grande politique de libération de l’entreprise, au contraire de ce qui est fait aujourd’hui. Quant à Marx, il nous dit que la technologie, ce qu’il appelle le mode de production, est plus forte que le droit ou le politique. Il ne sert à rien de ralentir par des lois et des réglementations les nouvelles activités comme la génétique, la musique sur internet ou la biologie moléculaire : cela ne fait que ralentir le cours de l’Histoire.

La priorité est-elle la réduction des déficits ou la recherche de la croissance ? Peut-on articuler les deux dans un contexte de crise ? 

Séverin Naudet : Il faut d'abord préciser que chaque économie a son propre rythme, ce qui est vrai pour l'une n'en fait pas une règle intangible pour toutes les autres. Méfions-nous des certitudes absolues. Aux Etats-Unis, les deficits financent manifestement la croissance, et l'equation continue de fonctionner. En Grèce, les préoccupations de réduction des déficits font manifestement mourir le pays à petit feu. Il faut donc beaucoup de doigté et beaucoup de pragmatisme. En France, la croissance est nulle et les déficits forts… Manifestement, il faut sortir de cette spirale, et enclencher un double effort de réduction des déficits, en privilégiant la baisse des dépenses de l'Etat, et de retour à une vraie politique en faveur de la création de richesse.
Nicolas Bouzou : N’opposons pas réduction des déficits et croissance. Le gouvernement français est grossièrement tombé dans un piège comme celui qu’avait décrit l’économiste américain Arthur Laffer dans les années 80 : il a crû qu’il suffisait d’augmenter les impôts de 5% pour que les recettes fiscales augmentent de 5%. C’est une erreur de débutant. En Europe d’ailleurs, nous réduisons les déficits de la pire façon : tous en même temps, dans l’urgence, avec une monnaie surévaluée. C’est un suicide économique qui rappelle la déflation Laval des années 30. Je préfère Pinay Rueff à la fin des années 1950 : réduisons nos déficits en réformant notre état-providence. Si vous allongez la durée de cotisation pour les pensions en diminuant les charges qui pèsent sur l’emploi des séniors, vous réduisez fortement les déficits sociaux à moyen et long terme en augmentant l’emploi et la croissance ! En outre, il faut négocier avec nos partenaires européens une intervention de la Banque centrale européenne pour déprécier l’euro ce qui est, contrairement aux âneries qu’on raconte, possible juridiquement et techniquement. Il faut regagner en exportations ce que la réduction des déficits nous fera perdre en consommation intérieure.

Dans le cadre des politiques européennes et de l'euro, les marges de manoeuvre ne sont-elles pas, malgré tout, limitées ?

Nicolas Bouzou : Les marges de manœuvre sont limitées mais pas figées. Si l’euro / dollar perd 10 ou 20%, notre économie sera ré-oxygénée. Mais des marges de manœuvre existent aux niveaux nationaux. Prenez la France. Nous pourrions adopter un ensemble de mesures d’ordre réglementaires, qui n’auraient aucun coût pour les finances publiques, et qui seraient favorables à l’emploi et à la croissance : multiplier les permis de construire, permettre l’ouverture des magasins le dimanche, adapter le droit du travail à certaines professions qui vivent dans l’insécurité juridique, faire sauter certains numerus clausus… 
Séverin Naudet : Penser que pour avoir des marges de manoeuvre, il faut avoir de l'argent public à dépenser est une vision très française. Pour réformer le pays, la tâche est immense, les solutions nombreuses, et les marges de manoeuvre sont bien là ! Pour que l'Europe redevienne un continent de croissance et de développement, les marges de manoeuvre sont là encore considérables !

Peut-on imaginer sortir de ce cadre ?

Séverin Naudet : Sortir d'un cadre frileux et gestionnaire, oui ! Il faut qu'une génération de politiques prenne le pouvoir en ayant envie de changer ce pays, qui est bourré de talents, mais qui ne sait plus s'en servir. S'il s'agit de sortir de l'Europe, ce serait rendre le plus mauvais service à notre pays. L’Europe c’est la meilleure arme dans la mondialisation, seuls nous sommes des nains fassent aux pays émergents. Notre ennemi, ce ne sont pas les contraintes bruxelloises, c'est le manque de courage à réformer en profondeur face à une crise sans précédent. 

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