dimanche 15 juillet 2012
L'interview du 14 juillet : au secours, Chirac est revenu !
Le président de la République a renoué
avec une tradition rompue par Nicolas Sarkozy en se faisant interviewer
sur TF1 et France 2 après le défilé du 14 juillet. Pas d'annonces
spectaculaires, quelques mises au point : l'exercice, classique sur la
forme, a permis à François Hollande d'affirmer son crédo sur la
"normalité".
Christian Delporte :
La mise en scène était « présidentielle ». Si ce n’est la place de la
Concorde qu’on apercevait par la fenêtre, on se serait cru au palais de
l’Elysée : décor quasi-identique, lambris dorés, table disposée pour
placer le chef de l’Etat en majesté, drapeaux français et européen à sa
droite, jeu des caméras… François Hollande a justifié un lieu
d’interview « neutre » en expliquant qu’il était l’invité de deux
chaînes de télévision mais, à l’image, il apparaissait clairement que
les journalistes étaient conviés à l’interroger.
Le
Président renoue de la sorte avec une tradition rompue par Nicolas
Sarkozy, celle de la parole rare et donc écoutée, caractéristique de
l’entretien du 14 juillet. Comme par le passé, avec Mitterrand
ou Chirac, l’interview du 14 juillet, « bilan » avant la coupure de
l’été, n’est jamais le moment pour annoncer des décisions graves ou
spectaculaires ; dans sa besace, Hollande n’avait guère plus que la commission Jospin sur la moralisation politique.
Il s’agissait surtout pour lui d’apparaître comme le chef de l’Etat et d’avancer quelques mises au point. D’où des formules d’autorité, comme sur PSA – « L’Etat ne laissera pas faire » - et l’emploi systématique du « je » (« j’ai défendu les intérêts de la France »/ « je vais réconcilier les Français »). En écartant le « nous », il répartit les rôles entre lui, chef de l’Etat, qui « donne les grandes orientations », et le Premier ministre chargé de les appliquer. Bref, il
fait de son credo sur la normalité, non l’expression d’une banalisation
de la fonction, mais un retour aux « normes » de la Ve République,
celle d’avant Sarkozy. L’ancien président était d’ailleurs très
présent dans les propos de Hollande, au sujet de l’héritage, mais aussi
dans sa critique d’un modèle de chef de l’Etat se mêlant de tout, y
compris de la direction du parti majoritaire (« ça, c’est terminé », a-t-il tenu à préciser).
Je
crois que sur la question de la « normalité », une page est en train de
se tourner. D’abord, parce que l’attrait de la nouveauté, marquée par
des gestes symboliques, s’émousse dans les médias. Ensuite, parce qu’on
ne peut pas jouer durablement sur la rupture avec le prédécesseur, sans
risquer de lasser ou irriter l’opinion. Enfin, parce que, l’installation
passée, les Français attendent surtout l’efficacité de l’action, alors
que l’inquiétude est partout prégnante. A cet égard, l’interview de Hollande était surtout d’un grand classicisme, proche, dans la forme, avec ce qu’on a connu avec Jacques Chirac.
Quant aux questions sur le football ou les remarques sur la météo,
elles interrogent surtout sur la qualité des interviewers et l’absence
chroniques des journalistes politiques dans ce genre d’échange (mais
cela aussi, ce n’est pas nouveau).
Bien sûr,
parler d’ « effort juste » plutôt que de « rigueur » relève d’une langue
de bois entretenue par tous les pouvoirs, depuis près de 40 ans, pour
donner une coloration acceptable aux douloureux sacrifices. Mitterrand
disait déjà à son entourage : « la rigueur, on la fait, ce n’est pas la peine de la nommer… ». Mais l’important, c’est ce que ressent l’opinion. Et là, les sondages nous le disent, les Français doutent que l’ « effort » se limite aux « catégories les plus favorisées », comme l’a affirmé Hollande, lors de son interview.
François Hollande avait-il le choix ?
L’inquiétude était grande, dans son entourage, que l’épisode du tweet ne
se transforme en boulet, à l’instar de ce qu’avait été l’affaire du
Fouquet’s pour Sarkozy. C’est le type d’événements, dérisoires à
l’échelle de l’histoire politique, qui finissent par se muer en
symboles et qui, bien plus tard, se retournent contre le pouvoir.
Bref, il s’agissait pour Hollande de ne pas fuir la question pour
mettre un point final à la séquence du tweet, sur laquelle il n’avait
strictement rien dit jusqu’à présent. C’est pourquoi lorsque Laurent
Delahousse lui demande « Cela ne se reproduira pas ? », Hollande le laisse à peine finir pour lancer un retentissant « non ». Ce « non » met à l’épreuve sa crédibilité. Il s’engage au respect « scrupuleux »
(sic) du principe de distinction entre vie publique et vie privée et
renvoie les apparitions publiques de sa compagne au cadre protocolaire.
Si l’engagement est tenu, l’opinion pardonnera. Dans le cas contraire,
la déclaration télévisée du 14 juillet tournera en boucle et l’effet
dans l’opinion sera dévastateur.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
0 commentaires:
Enregistrer un commentaire