Les députés ont adopté vendredi matin le budget rectificatif 2012. Il prévoit notamment la suppression de l'exonération fiscale portant sur les heures supplémentaires, celle de la TVA sociale, l'effacement de l'allègement de l'ISF, l'abaissement de l'abattement sur les successions et donations de 160 000 à 100 000 euros... Le programme économique du Parti socialiste consiste-t-il principalement à détricoter les mesures adoptées par le précédent gouvernement ? Peut-on aller jusqu'à parler d'antisarkozysme viscéral ?
Josée Pochat : On ne peut pas réellement parler d'antisarkozysme. Par contre, il s'agit très clairement de détricoter les mesures prises par le précédent gouvernement. Concernant la TVA sociale, elle était programmée mais a été tuée par Nicolas Sarkozy, qui a pris le risque d'en parler avant même l'élection. Il aurait dû au contraire taire pareille option et l'engager par la suite, car pour redonner de la compétitivité à ce pays, c'était une mesure phare, essentielle, nécessaire...
Concernant les autres grandes mesures, il n'est pas nécessairement pénalisant pour l'économie de les supprimer. Pour ne prendre qu'un exemple, sur les droits de succession, nombreux sont les spécialistes à souligner que ce cadeau fiscal n'a dopé ni l'économie réelle ni la compétitivité...
Globalement, la gauche détricote... Pire, elle est d'un classicisme absolu : elle continue d'aimer et de produire de la dépense publique supplémentaire, en appuyant à fond sur le champignon fiscal ! Et ce, malgré la situation dramatique de nos finances publiques...
Quelles
mesures propres au programme socialiste ont été et pourraient être
adoptées par la suite... Et comment expliquer le manque de lisibilité de
ce programme ?
Josée Pochat : Ce collectif budgétaire se contente de 7 milliards d'euros de prélèvements supplémentaires, mais l'an prochain il faudra trouver 33 milliards lors du projet de finances rectificatives, qui consisteront pour l'essentiel à de nouveaux prélèvements supplémentaires pesant sur les entreprises, donc sur la compétitivité.
Le problème réside majoritairement dans les grands discours incantatoires de politique générale tenus par les membres du gouvernement, qui insistent sur la nécessité pour la France de ne pas perdre son autonomie, de ne pas se laisser asphyxiée par sa dette publique. Concrètement, les socialistes s'agitent plus qu'ils n'engagent un programme efficace, ils ne se donnent pas les moyens d'une action crédible.
Effectivement, ce manque de ligne de conduite débouche sur un manque de lisibilité. Ils cherchent toutefois à "sauver la face" en tenant en apparence certaines promesses électorales. Mais la marche arrière semble lancée. La politique économique se limite donc à trouver des milliards d'impôts supplémentaires.
Ce budget rectificatif pour 2012 prévoit 7,2 milliards d'euros de hausses d'impôts pour seulement 1,5 milliard de gel supplémentaire de dépenses. Ces mesures ne risquent-elles pas d'affecter le pouvoir d'achat, pénaliser la compétitivité des entreprises et le retour de la croissance ?
Josée Pochat : Tout est dit ! On ne règle rien du mal français, à savoir notre addiction à la dépense publique. On préfère recourir à l'impôt à l'excès, en enfumant la classe moyenne par des discours types : "seuls les riches seront touchés, c'est un impôt juste". Le gouvernement enfile les mensonges comme des perles ! Même les riches ne seront jamais assez riches pour combler le déficit abyssal ! Et la hausse de la CSG concerne directement la classe moyenne.
Les lettres de cadrage de François Hollande qui fixent la réduction des frais de fonctionnement de l'État à 17% sont un autre mensonge. Quand on parle du fonctionnement de l’État, on fait allusion sur les 1 100 milliards de dépenses publiques à trois grands blocs : l’État (300 milliards), les collectivités locales (200 milliards) et le budget de la santé (600 milliards).
Concernant l’État : sur les 300 milliards, 50 milliards sont issus de l'impôt sur le revenu et avalés par les charges de la dette ; 90 milliards financent les salaires des fonctionnaires et 40 milliards les pensions ; le reste est consacré aux dépenses de fonctionnement de l’État, qui sont également les dépenses d'intervention de l’État, soit les allocations, les dotations aux universités et aux grandes entreprises publiques, etc. Ces dépenses publiques ne seront jamais réduites. Nicolas Sarkozy lui-même avait promis une réduction de 10 % de ces dépenses d'ici la fin de son quinquennat, pour ne finalement arriver qu'à 1%.
Michel Soudais : Le problème de la réduction des dépenses, c'est qu'il faut trouver des postes à réduire. Qu'est-ce qu'on veut encore réduire ? Est-ce qu'il faut qu'il y ait encore moins d'enseignants, alors que les classes sont déjà surchargées ? La réduction des dépenses, c'est bien gentil, mais on la pousse jusqu'où ? Maintenir un service public de qualité, c'est maintenir du pouvoir d'achat, car ceux qui n'ont plus rien ont au moins les services publics : ça faut un peu partie de leur patrimoine.
Ces sacrifices permettront-ils éventuellement de réduire le déficit à la marge ?
Josée Pochat : Non, évidemment ! Même en taxant les riches à 75%, les caisses de l’État ne seraient gonflées que de 200 à 400 millions d'euros. Soit une tête d'épingle au regard de la dette française abyssale.
Ensuite, il va falloir que la France comprenne que la dichotomie opérée entre impôts qui pèsent sur les entreprises et ceux qui pèsent sur les ménages n'a pas lieu d'être. Quand une entreprise doit supporter un impôt nouveau, elle le répercute sur le prix de vente de ses produits. Et qui achète les produits ? Les ménages, qui sont donc indirectement pénalisés ! Il faut en finir avec les artifices de langage.
Enfin, il faut également en finir avec les 35 heures dans la fonction publique. Nous sommes un des pays qui travaille le moins ! Et 35 heures dans la fonction publique, c'est un coût de 25 milliards d'euros par an !
Et ceux qui opposent l'argument que faire des coupes dans les dépenses publiques d'un côté se résume à créer du chômage de l'autre ont tort. Tout d'abord, il ne s'agit pas de licencier des fonctionnaires, mais de ne pas remplacer tous les départs à la retraite, afin de rationaliser structurellement le fonctionnement de l’État. A cela peut s'ajouter l'allègement du coût du travail (baisse des charges, cotisations, fin des 35 heures), on redonnera de l'oxygène aux entreprises qui pourront enfin embaucher et compenser cette baisse des effectifs publics.
Il s'agit certes d'un processus effectif sur le long terme, le seul viable.
Michel Soudais : Cela ne peut peut-être pas suffire pour réduire durablement le déficit, mais pour l'instant personne n'a trouvé la solution. Réduire drastiquement les dépenses, comme cela a été fait en Grèce et est fait en Espagne, ne permet pas de réduire le déficit : bien au contraire ! Il faut être un peu réaliste et regarder ce qui se passe dans les pays où cela s'est fait. Quand tous les pays de la zone euro auront réduit drastiquement leurs dépenses en même temps, on sera dans une grande récession et tout le monde tombera dans le trou. Ce n'est pas la solution.
DÉTRICOTER, UNE AUTRE FAÇON DÉGOUVERNER.
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