TOUT EST DIT

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vendredi 6 juillet 2012

Jean-Pax Méfret : “Sur l’autre rive… en 1962”

Des déracinés dans une France marâtre 

Dans un précédent livre de « souvenirs » – et quels souvenirs, mon Dieu… –, 1962, l’été du malheur, Jean-Pax Méfret avait dit « la tragédie des pieds-noirs », certes, mais aussi, car son exemple est emblématique, son histoire. Celle d’un gamin d’Alger emprisonné, pour cause d’Algérie française, dans les geôles gaullistes. Il n’avait alors que 17 ans…
Sur l’autre rive… en 1962 est la « suite » de cette « histoire ». Avec un bandeau significatif : « Que les pieds-noirs aillent se réadapter ailleurs » (Gaston Deferre, maire de Marseille, 26 juillet 1962). Car, en cette époque du cinquantenaire, et au moment où l’on voit des pieds-noirs aller faire la danse du ventre à Marseille (avec des Gaudin), à Nice (avec des Estrosi), à Perpignan (avec des gens que je ne veux même pas qualifier), il n’est pas mauvais – et Jean-Pax le fait avec une plume d’historien, mais aussi avec les mots d’un « blessé » dont les plaies ne cicatrisent jamais – de rappeler comment les déracinés furent « accueillis » en France.
Les Deferre, les communistes, les gaullistes, tous la mano en la mano pour ostraciser ces naufragés de l’Histoire à qui l’on va refuser des canots de sauvetage et tout faire pour qu’ils se noient. « L’un criait “assomme”, l’autre criait “tue” », comme disait ma grand-mère. Pour le sinistre Louis Joxe, c’était de la « mauvaise graine de fascisme ». Pour Robert Boulin, « des vacanciers ». Pour De Gaulle, personnage au racisme effrayant, des étrangers : « Ce ne sont pas des Français, ils ne raisonnent pas comme nous. » Quant à Sartre, il avait donné le la : « Abattre un Européen, c’est faire d’une pierre deux coups, supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé. Restent un homme mort et un homme libre. » Une France marâtre ? Ce n’est rien de le dire. Nous n’avons rien oublié. Nous n’avons rien pardonné.
Mais, par-delà l’Histoire, comme dans 1962, l’été du malheur, il y a aussi, dans Sur l’autre rive… en 1962, l’histoire de Jean-Pax Méfret et de sa famille. Sa mère et son frère qui, dans l’hiver 1962 (cette année-là le thermomètre oscilla de moins dix à moins vingt-cinq), débarquent à Rouen. Pourquoi Rouen où ils ne connaissent personne, où ils n’ont pas de toit, sans bagages, sans argent ? Parce que c’est là que Jean-Pax a été emprisonné (1). Et là que, « libéré », il sera assigné à résidence avec interdiction de sortir du taudis où sa famille a trouvé refuge.
La vie des pauvres. « On a mangé ensemble / Le pain de la misère / On a souffert ensemble / En traversant la mer. » (chanson de Jean-Pax, Le Pain de la misère). La soupe populaire. Le vestiaire de la Croix-Rouge pour récupérer des vêtements chauds. Un duffle-coat hors d’âge, « trop large, trop long, trop grand ». On s’écrase quand on vous fait la charité. Et en plus, on dit merci… « Le manteau qu’j’ai / Sur les épôles / Même pas je savais / C’que c’était » (chanson de Jean-Pax, Un Noël à Alger). France, qu’as-tu fait de notre jeunesse…
(1) A la prison… Bonne Nouvelle…
• Editions Pygmalion. A commander à diffusia.fr ou au téléphone au 09 52 66 16 21. Diffusia, BP 20005, 75462 Parix Cedex 10.

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