TOUT EST DIT

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jeudi 14 juin 2012

Quand la droite sort de son long sommeil chiraquien... en renvoyant la gauche à ses propres extrêmes

Jean-François Copé a décidé de faire à la gauche les reproches qui sont fait à l'UMP : une alliance avec l'extrême gauche est-elle moins condamnable qu'un rapprochement avec le FN ? Au cours de l'histoire, droite et gauche ont pourtant multiplié les appels du pied vers ces deux tendances radicales.

En attaquant la gauche sur ses rapports avec l’extrême-gauche, et en assumant des positions de droite affirmées, Jean-François Copé est-il en train de provoquer une rupture avec le chiraquisme ?


Christophe de Voogd : Avant de parler de « rupture », l’historien interroge toujours le temps long ! D’une part les attaques de la droite contre le parti communiste –qui est, ne l’oublions pas la force de frappe du front de gauche actuel- s’inscrivent dans une solide tradition : en mai 68, le Général de Gaulle lui-même évoquait sans ambages le « communisme totalitaire » ; dans la décennie suivante, avec le programme commun de la gauche, la dénonciation des « socialo-communistes » était –y compris chez Jacques Chirac- une figure constante du discours de droite. Il est vrai qu’à cause de l’effondrement de l’URSS et du déclin historique du parti communiste d’une part et de l’essor d’une certaine « political correctness » d’autre part, cette « ressource politique » a été moins utilisée à droite, notamment par Jacques Chirac « deuxième manière », celui des années 1990-2000. Il n’empêche que le soit disant succès de sa « stratégie d’étanchéité » vis-à-vis du FN ne correspond pas aux faits. L’exemple type restant les mauvais résultats de la droite lors des législatives de 1997 : Chirac les a voulues en dissolvant l’Assemblée Nationale et les a perdues justement à cause du FN. Même son succès en 2002 est atypique, puisqu’il s’est retrouvé de façon inattendue seul face au FN au second tour, malgré un score très bas au premier tour (19,88%).

En vérité, du point de vue de l’efficacité électorale, la bonne tactique de la droite semble plutôt à chercher du côté de Nicolas Sarkozy en 2007 : il a réussi à siphonner les voix du FN en se positionnant sur le thème de la « droite décomplexée ». C’est d’ailleurs lui qui avait lancé le mot d’ordre du « ni-ni » (ni PS, ni FN) pour les cantonales de 2011. L’UMP ne fait que poursuivre l’héritage sarkozyste, qui constitue en fait la vraie rupture avec le chiraquisme.

Sur ces questions, il faut en fait distinguer trois niveaux : la tactique, les valeurs morales et la stratégie politique. Aussi bien le « front républicain » mis en avant par Martine Aubry (qui ne concernera dans les faits aucune circonscription !) que l’éternelle accusation de « compromission » de la droite avec le FN, sont de pure nature tactique. Tout comme le vote des étrangers, toujours annoncé et jamais mis en œuvre. La seule fois où le PS –et on doit lui rendre cet hommage- a pratiqué un vrai « front républicain », c’était en 2002. Il y avait là un vrai positionnement moral. Le même esprit voudrait que le PS retire toutes les candidatures socialistes, là où l’UMP est en tête –et réciproquement- en cas de triangulaires avec le FN. Ce n’est nullement le cas, ni d’un côté ni de l’autre.

Justement est-ce la morale qui empêche la droite d’opter pour une position plus à droite ?


Nous entrons ici dans la troisième dimension évoquée : celle de la stratégie politique, c'est-à-dire du positionnement à la fois sur les thèmes et les alliances, compte tenu des évolutions profondes de l’électorat.

Il faut donc considérer l’évolution de l’électorat, notamment celui du FN. Ce parti n’est plus –je parle de son discours public- le même que dans les années 1980 : il est désormais clairement populiste, sur des positions qu’on voit partout en Europe, mais sous le manteau bien français de la « République ». Avec Jean-Marie Le Pen, le FN tenait classiquement des positions d’extrême droite. L’électorat frontiste se répartit désormais en trois catégories : les « ninistes » historiques qui ne votent ni gauche ni droite ; les « droitistes »,ceux qui sont très proches de l’aile droite de UMP et-une catégorie de plus en plus importante d’électeurs populaires issus de la gauche, en banlieue parisienne et dans le Nord par exemple.

Ainsi, dans le Sud Est, un électeur du FN de premier tour votera sans problème UMP au second : le triomphe de Sarkozy le 6 mai dernier dans cette région l’a montré. Dans le Nord, certains électeurs frontistes de premier tour se tourneront vers la gauche au second, comme on a pu le voir lors de la dernière présidentielle à Hénin-Beaumont, par exemple.

Le « nini » de l’UMP est donc une position tactique. Elle repose sur un raisonnement aussi bancal (la symétrie voudrait « ni Front de gauche, ni FN ») que le « front républicain » de Martine Aubry ; mais elle est également habile et vise à ne pas tomber dans le piège tendu à la droite : à savoir le rejet de l’électorat FN, dont le PS serait le premier bénéficiaire, comme en 1997. Et sur le plan moral, l’UMP n’a pas tort de souligner que l’alliance électorale du PS et du Front de gauche n’a rien d’irréprochable, compte tenu des positions de ce dernier, qu’il faut bien qualifier de liberticides : en matière économique bien sûr, mais aussi en matière de médias et de justice. Mais qui a lu le programme du FG ?

Reste que sur le plan stratégique, la question de l’alliance de l’UMP avec le FN demeure : elle est souhaitée par une partie de l’électorat UMP mais conduirait immanquablement à rompre l’unité du parti. 

La droite devrait alors songer plutôt à se recentrer ?

Elle y perdrait une part importante de son électorat, dans une France où les thèmes de droite progressent ! Disons qu’il devrait y avoir à court terme –lors du prochain congrès- l’émergence de deux positions à ce sujet. Cela se jouera sur plusieurs enjeux : le protectionnisme, l’immigration, les questions sociétales, qui distingueront nettement les libéraux d’un côté et la « droite populaire » de l’autre. Toute la question sera alors de voir si l’UMP parviendra à aménager dans son sein cette diversité –comme l’espère Jean-François Copé- ou si une nouvelle « entreprise politique », pour parler comme Max Weber, s’ouvrira au centre. Champ désormais laissé libre –et orphelin- par les errements de François Bayrou et la déconfiture du Modem


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