jeudi 14 juin 2012
Presse féminine française : comment Grazia a gagné la bataille contre Be
L'hebdomadaire féminin Be crée en 2010
par le groupe Lagardère pourrait prochainement passer en mensuel, la
faute à de mauvais résultats. Il y a quelques années le magazine Glamour
était lui aussi chahuté sur le marché. La presse féminine française
est-elle en danger ?
Vincent Soulier : BE est historiquement le troisième magazine à avoir fait son entrée récente sur le marché. Il y a eu d'abord Grazia de Mondadori. Le groupe Marie-Claire a lancé Envy et puis Lagardère a lancé BE. Trois magazines exactement sur le même positionnement. Très vite, BE et Envy ont fusionné et n'est resté que BE. Est
venue ensuite la sanction du "marché lecteurs" avec une faible
diffusion. Puis, presque automatiquement la sanction publicitaire.
Grazia a clairement remporté la partie. C'est le deuxième support féminin juste derrière Elle.
C'est inouï quand on sait que ce magazine date de 1945. Le succès de
Grazia a étouffé BE, ce qui explique un repli en terme de périodicité.
On passe de 52 parutions à 12. Le marché dira s'il faudra éteindre le
titre ou le pérenniser.
S'il y a bien un pays où cela fonctionne, c'est en France ! On détient le record en terme de consommation.
Il y a une puissance de diffusion incroyable. Là dessus, nous sommes
les champions. Le poids des investissements publicitaires avec cette
presse est considérable dans notre pays. Nous sommes les seuls avec
l'Italie et les Etats-Unis à avoir une presse qui réussit à
l'international. Nous avons quand même deux magazines diffusés dans le monde entier (Elle et Marie Claire). La presse féminine française fonctionne ici et s'exporte avec succès.
Pour
moi, la presse féminine est liée à une demande dont l'élasticité est
illimitée. Dans les années 1980, quand Axel Ganz a lancé Femme Actuelle
et Prisma, on lui disait que le marché était saturé par trop d'offres. Et
pourtant, il a cartonné grâce à des innovations majeures notamment sur
la couverture. Pareil avec Grazia qui traite de la mode avec l'angle
people. Si on innove, la demande suit. Et puis, il y a une
appétence des femmes pour la presse féminine. C'est assez extraordinaire
d'ailleurs.
La
notion de plaisir ! C'est la première sensation qui plaît aux
lectrices. Et puis bien entendu, la mode dont la Française est friande.
Tous les sujets sont abordés de la cuisine au sexe en passant par le
people. Chaque goût, chaque femme est représentée. Et comme il y en a
pour tous les âges, tout le monde est content.
Oui
c'est un succès internationalisé. C'est tout un univers économique
rattaché à la pub. La presse féminine est le premier support en
publicité. C'est là où les annonceurs investissent le plus massivement
et ce, bien avant la presse quotidienne et économique. Le marché du
cosmétique et du luxe connait le plus fort taux de croissance, la presse
féminine est donc le support parfait pour toucher le public. On le
voit bien avec les pays les plus récemment ouverts à l'économie de
marché comme la Russie ou la Chine. Il y a une réelle concomitance entre
l'installation de grandes marques de luxe types Chanel et Gucci et la
naissance de titres de presse féminins. Ces deux univers fonctionnent
étroitement, l'un a besoin de l'autre pour exister.
Quelque
chose au travers du respect de la planète ou du développement durable.
Je pense qu'il y a une idée à trouver. Mais pas ennuyeuse, le plaisir
avant tout. C'est la motivation première de la presse féminine. Le
plaisir et faire plaisir.
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