Concernant le Front national, l’UMP doit continuer sur une ligne
autonome sans se la faire imposer par le microcosme de gauche et
d’extrême-gauche.
L’UMP a tenu bon. Pas de front républicain pour faire barrage à tout
prix au Front national. Même Nathalie Kosciusko-Morizet a tenu bon. Elle
qui était invitée au journal de 20 heures pour désavouer son parti.
Elle a enfin découvert que Mendès-France ne s’alliait pas avec les
communistes.
Peut-être le discours de Jean-Luc Mélenchon, au soir du premier tour
des élections législatives, a-t-il décillé quelques paires d’yeux : «
l’ennemi a de nombreux moyens pour manœuvrer et tripoter dans les
esprits » mais « la grande roue de l’histoire est en marche », a-t-il
énoncé en langage bolchevique. Interrogé ensuite sur la chaîne i-télé,
il qualifie, au nom « des démocrates et des républicains », le FN de «
ferment de division du peuple et en particulier des travailleurs ».
Des politologues d’extrême-gauche ont échafaudé l’hapax « dénationalisme » : parti politique déloyal envers la démocratie, de façade parlementariste mais de substance fasciste, le FN ne serait pas nationaliste mais anti-national. Ce mode de raisonnement délirant, qui s’en prend aux travaux de Pascal Perrineau et Michel Winock comme complices du FN, véhicule un vocabulaire conspirationniste : « révèle », « occulte », « masquer », « double jeu »… La droite ne doit plus confondre ces vessies d’extrême-gauche avec des lanternes scientifiques.
Moins la droite est à droite et plus ils lui pardonnent
« Est-ce que la droite républicaine et du centre défend la nation ? », demande Bruno Le Maire, un des cerveaux de l’UMP (le 14 mai sur la chaîne LCP). Cette formule, répétée à deux reprises, n’est pas un lapsus. A proprement parler, elle est absurde : « la droite du centre », autant dire le football du rugby, ou bien le Canada de la France…
On comprend pourquoi il s’emmêle les crayons. Terrifié à l’idée de s’être enhardi à parler de nation, le cadre de l’UMP sait qu’il peut lui en cuire. Il risque de susciter l’ire médiatique des gros bras d’extrême-gauche. Il doit à tout prix donner des gages. Montrer par des formules rituelles qu’il n’est pas d’extrême droite.
C’est ainsi qu’à l’UMP, la base électorale et militante s’affiche de droite alors que les notables se réclament du centre-droit. Ils ont intériorisé la grande inhibition sémantique dictée par la gauche. Qui ne se réclame pas du centre-droit est de droite, donc déjà un peu d’extrême-droite. Car l’extrême-droite commence à droite du centre-droit. Quiconque combat la gauche plutôt que l’extrême-droite est d’extrême-droite. Le seul fait de nommer l’extrême-gauche « l’extrême-gauche » est déjà suspect : on doit dire de préférence la « gauche de la gauche ».
Au fil d’une série de contributions, « La droite est une coupable toute trouvée », « La gauche : une belle petite famille », « La recomposition de la droite n’aura pas lieu », « Contre la prétendue droitisation des sociétés », « Extrême droitisation, ah bon ? », j’ai montré comment Jacques Chirac s’était laissé dicter un terrorisme intellectuel illibéral consistant à faire élire des communistes contre des candidats FN.
L’on n’assiste ni à une extrême-droitisation des débats, ni à une droitisation des sociétés. Il faudrait cesser de payer tribut aux sirènes antifascistes de la caste médiatique qui exigent que les hommes politiques de droite aient des « états d’âme », se « sentent mal à l’aise » ou « prennent leurs distances ». Comme le souligne Brice Couturier au sujet des commentateurs : « moins la droite est à droite et plus ils lui pardonnent ». Mais la droite ne sera jamais suffisamment « dé-droitisée ». Elle sera toujours plus à droite que la gauche et le prix à payer pour que l’extrême-gauche cesse de l’extrême-droitiser serait exorbitant.
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