Ceux qui se surnomment «les 99%» et ne tolèrent plus la «cupidité» des 1% les plus favorisés vont manifester leur ras-le-bol dans 951 villes du monde entier samedi. Mais le mouvement, né en Espagne en mai, ne s'appuie sur aucune direction centrale.
Le 15 mai dernier des «indignés» espagnols campaient sur la place de la Puerta del Sol à Madrid. Empruntant leur nom au pamphlet de Stephen Hessel, ils se déclaraient inspirés par le Printemps arabe pour crier leur révolte face à l'explosion du chômage et à la politique d'austérité mise en place par le gouvernement … Depuis, la contestation s'est étendue dans le reste de l'Europe mais aussi outre-Atlantique. Cinq mois après la naissance du mouvement en Espagne, c'est dans 82 pays que ces «indignés» vont manifester le samedi 15 octobre. De Zurich jusqu'à New York, en passant par Rome, Tijuana, Hong Kong et Johannesburg, des appels ont été lancés dans 951 villes du monde entier.
Leur message aux hommes politiques et aux élites financières, tel qu'on peut le lire sur le site 15october, est le suivant: «Le pouvoir en place travaille au profit de quelques-uns en ignorant aussi bien la volonté de la majorité que le prix humain et environnemental que nous payons. Cette situation intolérable doit cesser.» Sur le site du mouvement Occupy Wall Street, la tonalité est la même: «La chose que nous avons tous en commun, c'est que nous sommes les 99% qui ne tolérerons pas plus longtemps la cupidité et la corruption des 1% restants». En Italie, le programme est résumé ainsi: «Occupation des places publiques par les millions de personnes qui ne veulent plus payer l'énorme crise économique et sociale à la place de ceux qui l'ont causée: pouvoirs politiques industriels, économiques et financiers».
Pas d'instance centrale
Cette journée d'action fait franchir un cap important au mouvement, qui se dote désormais d'une dimension internationale. «C'était nécessaire pour pouvoir faire le poids face au pouvoir des marchés financiers qui agissent à l'échelle globale», affirme Sophie Banasiak, «indignée» parisienne.
Cependant, il n'existe aucune instance centrale pour coordonner les différentes actions. «Si le collectif Democracia Real Ya a joué un rôle moteur dans la mobilisation initiale en Espagne, il ne prend pas le dessus, que ce soit au niveau de la capitale, du pays ou du monde, explique Héloïse Nez, sociologue à l'Université Paris 13. De nombreux collectifs travaillent ensemble, mais aucune n'a l'hégémonie sur le mouvement qui se veut horizontal et égalitaire. Il n'y a pas de têtes visibles et les indignés prennent soin de changer régulièrement de porte-parole».
«Si on te demande ‘qui est derrière ça', réponds leur : ‘moi'» rétorque-t-on à ceux qui cherchent les organisateurs. La propagation d'une ville ou d'un pays à l'autre doit donc se faire spontanément, par émulation. Un processus largement facilité par les réseaux sociaux, où plusieurs mots-clés émergent, tels que «yeswecamp», «#yosoy15O», «#event15oct» ou encore «#Globalrevolution»… «Je ne sais même pas qui exactement a lancé l'idée du 15 octobre, reconnaît ainsi Spyros, supporter du mouvement OccupyLSX à Londres. On a vu cet appel pour samedi et on a été inspiré par le mouvement Occupy wall street pour faire la même chose chez nous.»
Des revendications spécifiques à chaque pays
Si les mécontents du monde entier ont trouvé des dénominateurs communs, les revendications et doléances se déclinent toujours selon les problématiques nationales. En Espagne, l'accent de Democracia Real Ya a été mis sur la réforme de la loi électorale pour en finir avec le bipartisme ainsi que sur l'arrêt des expulsions de propriétaires endettés. Dans les pays anglo-saxons, c'est principalement la finance, pointée comme responsable de la crise, qui est prise pour cible. En témoigne le nom des mouvements qui s'y développent, «Occupy Wall Street» et «Occupy London Stock Exchange (OccupyLSX)». En Israël, la mobilisation vise le logement cher tandis qu'en Italie, les indignés refusent de payer «une dette qu'ils n'ont pas contractée». Mais tous ces thèmes centraux n'empêchent pas chaque manifestant d'exprimer d'autres préoccupations. En Espagne certains pointent l'impunité autour des crimes du franquisme et aux Etats-Unis on dénonce la brutalité policière ou encore la peine de mort…
Surtout, chaque ville conserve son autonomie : l'information circule globalement, mais «les décisions, elles, se prennent au niveau des assemblées dans chaque ville, explique Sophie Banasiak. Chaque ville choisit son propre mode de décision. A Paris et à Madrid par exemple, c'est au consensus. La dimension internationale ne change rien au fait que l'essence du mouvement est locale : elle est dans la rencontre physique et le dialogue sur les places».
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